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Terrorisme

La mère d'un mineur parti en Syrie attaque l'Etat en justice

Son fils mineur avait pu, sans difficulté, embarquer à Nice pour la Turquie avec l'idée de se rendre en Syrie pour y mener le jihad. Une mère dénonce aujourd'hui la "faute grave" de la police de l'air et des frontières qui a laissé ce garçon de 16 ans sortir du territoire. Le ministère de l'Intérieur écarte quant à lui toute responsabilité. La plainte sera examinée mardi par la justice administrative.

Protéger les mineurs contre eux-mêmes est la responsabilité des parents, mais aussi de l'Etat, clame une mère, dont le fils était parti en 2013 faire le jihad en Syrie alors qu'il était mineur. Elle va demander mardi au tribunal administratif de condamner l'Etat à lui verser des indemnités pour ne pas l'avoir empêché de quitter le territoire.

Il venait de fêter Noël avec sa mère et ses trois frères et sœurs à Nice, quand deux jours plus tard, le 27 décembre 2013, B. alors âgé de 16 ans, décide sans prévenir de partir combattre en Syrie avec trois autres Niçois. Récemment converti à l'islam, le jeune homme, qui ne montrait aucun signe de radicalisation selon sa mère, embarque à bord d'un avion en direction d'Istanbul pour rejoindre la Syrie où il se trouverait toujours, selon cette dernière qui l'a eu récemment au téléphone. "Si j'avais vu qu'il y avait un changement, j'aurais fait ce qu'il y a à faire", a-t-elle confié à RTL.

Contrôlé à l'aéroport de Nice avec sa pièce d'identité par la police de l'air et des frontières, l'adolescent, "mineur, a quitté le territoire français pour la Turquie notoirement connue pour être la porte d'entrée vers la Syrie, sans que la police s'en inquiète", déplore Me Samia Maktouf, avocate de la mère.

"Il faut que les départs cessent"

Cette dernière, qui assure n'avoir appris les intentions de son fils "que quelques jours avant son départ" par des jeunes de la cité, avait signalé sa disparition au commissariat dans la nuit du 27 au 28 décembre, alors qu'elle était sans nouvelles de lui depuis 24 heures.

"La police a commis une faute grave et un manque de discernement s'agissant d'un mineur, non accompagné, qui se rendait avec un aller simple en Turquie sans bagage", estime l'avocate. Considérant que les services de police ont manqué à leurs obligations, la mère de famille demande au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser 110.000 euros pour elle et ses trois autres enfants au titre du préjudice subi. "Ce n'est pas l'argent que nous visons, mais nous voulons faire prendre conscience qu'une erreur a été commise. Il faut que les départs de mineurs pour le jihad cessent", défend Me Maktouf.

La responsabilité de l'Etat est-elle engagée?

Dans une lettre adressée à la famille, le ministère de l'Intérieur, qui motive son refus d'indemnisation, considère pour sa part que ses services n'ont pas commis de faute puisque le jeune homme a bien été contrôlé et qu'une simple carte d'identité suffit pour partir à l'étranger. Il estime que le jeune homme ne faisant l'objet d'aucune mesure d'interdiction de sortie de territoire, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée.

Me Maktouf argue qu'au contraire, l'Etat aurait dû protéger ce mineur contre lui-même, en lui refusant l'autorisation de quitter la France. "On ne baissera pas les bras parce que c'est un travail qui doit être fait pour préserver la société, pour préserver nos jeunes qui méritent toute protection. Il faut le rappeler, ils sont mineurs, ce sont des personnes vulnérables", insiste-t-elle auprès de BFMTV.

Le numéro vert de signalement au jihad créé il y a un an a permis d'établir qu'un quart des 1.864 personnes signalées pour s'être radicalisées concernent des mineurs. On estime à quelque 500 le nombre de Français ou résidents en France combattant actuellement en Syrie.

D. N. avec AFP