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Terrorisme

Jihadisme: comment surveiller les quelque 3.000 personnes suspectes?

Le directeur des services de renseignement de la DGSI, Patrick Calvar, et le directeur de la police nationale, Jean-Marc Falcone, à leur arrivée à l'Elysée le 7 janvier après la tuerie de Charlie Hebdo.

Le directeur des services de renseignement de la DGSI, Patrick Calvar, et le directeur de la police nationale, Jean-Marc Falcone, à leur arrivée à l'Elysée le 7 janvier après la tuerie de Charlie Hebdo. - Patrick Kovarik - AFP

Le projet de loi sur le renseignement sera dévoilé début mars. Il devrait notamment donner plus de latitude aux enquêteurs sur les écoutes administratives, qui sont effectuées en dehors de de tout cadre judiciaire.

Ils ont grandi en France, dans des cités ouvrières ou des barres d'immeubles en banlieue, voire dans des pavillons de quartiers sans histoire, et ont un jour basculé dans l'endoctrinement religieux de l'islamisme, en se formant sur Internet, ou en se radicalisant en prison. Un phénomène qui souligne la nécessité de renforcer la surveillance des personnes suspectées de préparer le jihad sur notre territoire ou ailleurs, et les moyens accordés au renseignement, a rappelé mercredi le Premier ministre, Manuel Valls.

"Aujourd’hui, il faut surveiller près de 1.300 personnes, Français ou étrangers résidant en France, pour leur implication dans les filières terroristes en Syrie et en Irak. C’est une augmentation de 130% en un an. (...) En tout ce sont près de 3.000 personnes qu'il faut surveiller", a détaillé le Premier ministre.

> Qui peut être écouté?

Actuellement, deux types d'écoutes téléphoniques sont autorisées par la loi. Les écoutes judiciaires d'abord. Elles sont ordonnées par un juge pour les besoins d'une enquête, et sont au nombre de 35.000 par an environ. La durée d'une mise sous écoute d'une personne est de quatre mois, terme au-delà duquel le magistrat doit renouveler la procédure. 

Par ailleurs, le renseignement peut mettre en place des écoutes hors cadre judiciaire, lorsqu'il existe une suspicion de terrorisme ou de criminalité. Il s'agit d'écoutes administratives, qui sont placées sous l'autorité du Premier ministre, et dont l'autorisation doit être aussi renouvelée et justifiée tous les quatre mois sur la base "d'éléments probants". C'est dans ce cadre que les frères Kouachi avaient été placés sous écoute durant plusieurs mois, de 2011 à 2013.

Au bout de dix jours, les bandes doivent être effacées, et ne doit subsister dans les retranscriptions que ce qui concerne la sécurité nationale du territoire. Un cadre très strict destiné à éviter la mise sous écoute de tiers, qui n'auraient pas de lien direct avec le terrorisme par exemple. En 2012, selon le 21ème rapport de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), instance indépendante qui "surveille" la légalité de ces procédures en émettant des avis favorables ou non, un peu plus de 6.000 écoutes administratives ont été autorisées.

> Qu'est-ce-qui va changer?

Même si 6.095 écoutes administratives ont été effectuées en 2012, en réalité, la loi interdit aux agents de "brancher" plus de 2.190 personnes à la fois. Un quota jugé insuffisant par de nombreuses voix, notamment au regard des 3.000 personnes en lien avec le jihadisme et qui doivent être surveillées, selon Manuel Valls. "Il faut relever ce plafond", a plaidé sans ambages mercredi sur BFMTV Jean-Jacques Urvoas, député PS et membre du CNCIS

Et le député de souligner une autre "faiblesse" du système actuel: l'évolution des technologies rend l'utilisation des téléphones portables de moins en moins systématique entre suspects pour communiquer. "Nous voulons aller sur Skype par exemple, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui juridiquement. Nous voulons avoir accès aux données informatiques de ceux qui fomentent des coups", expliquait-il la semaine dernière.

Autre souhait de Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l'Assemblée, celui de pouvoir placer plus facilement une balise GPS sur une voiture ou un téléphone portable d'un suspect pour le géolocaliser. Actuellement, seul un juge d'instruction ou un procureur de la République peut décider d'une telle mesure, voire un officier de police judiciaire en cas d'urgence, depuis une loi datant de mars 2014. Mais dans ce cas, un magistrat doit valider cette décision par écrit dans les 24 heures qui suivent. Le cadre législatif devrait donc donner plus de latitude sur ces domaines aux administrations dans la prochaine loi-cadre sur le renseignement, qui est en cours de préparation et qui doit être transmise en mars prochain au Parlement.