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Terrorisme

Jihad: déçu par Daesh, il se livre à la police française à son retour de Syrie

L'Etat islamique parade à Raqqa, en Syrie, en juin 2014.

L'Etat islamique parade à Raqqa, en Syrie, en juin 2014. - HO / IS RAQQA / AFP

"Un témoignage rare". C'est ainsi que Le Parisien qualifie le récit d'un ex-combattant français qui avait demandé à rentrer en France après avoir servi six mois en Syrie. Edifiant, même si certaines zones d'ombre suscitent la méfiance des enquêteurs.

Ali, la trentaine, s'est livré de lui-même à la police française. Il l'a fait début mars, deux jours après son retour de Syrie où il a passé six mois, enrôlé volontaire au sein de l'organisation terroriste Etat islamique. Il sait qu'il a eu de la chance. Nombre d'occidentaux ayant rejoint les rangs de Daesh ne sont pas autorisés comme lui, à rentrer chez eux, apparemment sans condition. Le Parisien, qui cite abondamment les procès-verbaux de sa garde à vue, rend compte d'un témoignage à prendre avec des pincettes. Certains détails, pour édifiants qu'ils soient, sont parfois difficiles à croire.

L'histoire d'Ali commence malheureusement de manière assez classique. Jeune, il quitte le lycée en seconde pour rejoindre une partie de sa famille au Maghreb. A cause de sa consommation d'alcool et de cannabis, les choses ne se passent "pas bien", explique Le Parisien. Ali rentre donc en France où il alterne petits boulots et séjours en prison pour des délits mineurs. C'est à l'occasion d'un séjour carcéral plus long qu'il se radicalise, à Fleury-Mérogis, au contact de détenus qui se font appeler les "Frères Muslim". Après sa sortie de prison et un passage par l'Egypte et la Tunisie - où il est arrêté pour consommation de stupéfiants - il revient en France et tombe dans la précarité, errant de foyer en foyer. En septembre 2014, il décide de partir en Syrie.

"Je me suis rendu compte que je n'étais pas avec des musulmans"

Est-ce pour minimiser son engagement guerrier auprès de Daesh? Ali a expliqué aux enquêteurs avoir toujours voulu "faire la hijra", c’est-à-dire s'installer durablement dans un pays musulman, et non le Jihad. "Je n'ai tué personne là-bas, je ne suis pas un terroriste", plaide-t-il. Ce qui ne lui a pas évité d'être mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes, dont des crimes d'atteintes aux personnes.

Si les enquêteurs ne croient pas à la version livrée par Ali, c'est que le récit de sa préparation physique et mentale est édifiant. Il raconte ainsi, les "réveils à coups de kalach" par l'émir chargé d'éduquer les enrôlés, les entraînements sportifs et au maniement des armes plutôt poussés, l'apprentissage des tactiques d'embuscade, l'endoctrinement politique…

Selon ses dires, Ali aurait fini par servir dans la police islamique à Raqqa, la capitale autoproclamée de l'Etat islamique en Syrie. C'est là qu'il aurait été confronté, dit-il, à l'horreur de ce régime. Il y dénonce notamment les exactions de la police religieuse. Ainsi, "les vendeurs de haschisch ou de cigarettes reçoivent des coups de fouet et vont en prison. Les vendeurs d'héroïne, les sorciers, les homosexuels, les adultères sont exécutés et les cadavres restent exposés dans la rue plusieurs jours avec une étiquette indiquant le motif de leur exécution". Ainsi, le cadavre d'un "jeune de 14 ans égorgé au prétexte qu'il avait arrêté la prière" serait resté exposé des semaines durant.

C'est après la décapitation au sabre d'un vieillard accusé de sorcellerie, que le jeune homme aurait décidé de rentrer en France. "Je me suis rendu compte que je n'étais pas avec des musulmans, un musulman ne pouvant pas commettre de telles atrocités".

Certains passages semblent relever du conte de fées

Qu'aurait pu promettre Ali à ses anciens compagnons de jihad pour rentrer sain et sauf dans son pays? Il a confié, peut-être à dessein, qu'après avoir demandé à rentrer, il pensait être exécuté. Mais il est déposé sans encombre en Turquie, gratifié de 500 dollars (450 euros) pour acheter son billet retour.

D'autres détails détonnent aussi dans ce témoignage. Par exemple à son arrivée à la frontière syrienne où il aurait "pris contact avec des barbus qui se sont identifiés comme étant de l'Etat islamique". Après quoi, Ali leur aurait donc fait part de sa volonté de faire la hijra. Ni une, ni deux, ces hommes lui ont "souhaité la bienvenue" et "pris en charge ses dépenses pour aller jusqu'à Raqqa". Ali précise qu'il a été ensuite interrogé deux jours durant par les services secrets de l'EI. Mais, l'envoi de deux SMS relevé par les policiers tendrait plutôt à montrer qu'il avait un ou des contacts de l'autre côté.

Encore plus fort, ce Français affirme qu'il a reçu quelque 300.000 dollars, soit 270.000 euros, pour s'installer, notamment pour acheter une voiture et un logement. Ce repenti qui dit ne pas avoir supporté l'horreur des exactions du régime vante aussi selon les policiers un emploi garanti et la gratuité des soins. Il décrit une société au double visage, sorte d'idéal collectiviste bien huilé d'un côté et dictature capable des pires atrocités de l'autre.

David Namias