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Procès du 13-Novembre: "On s'est demandé pourquoi ils ne nous tiraient pas dessus", dit un otage

Croquis de la salle d'audience du procès des attaques du 13 novembre 2015, le 16 septembre 2021 au Palais de Justice de Paris

Croquis de la salle d'audience du procès des attaques du 13 novembre 2015, le 16 septembre 2021 au Palais de Justice de Paris - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Le procès des attentats du 13-Novembre se poursuit. Au cours de cette 28e journée d'audience, des rescapés du Bataclan pris en otage par les terroristes viennent témoigner.

L'audience est terminée

L'audience est terminée pour aujourd'hui et reprendra mercredi avec de nouveaux témoignages.

La 28e journée de ce procès du 13-Novembre a vu six des onze personnes prises en otages par les terroristes du Bataclan. Tous sont revenus sur ces deux heures douloureuses, ces échanges avec les terroristes et sur ces moments qui ont forgé leur groupe, "les potages", contraction de "pote" et "otage".

"On s'est demandé pourquoi ils ne nous tiraient pas dessus"

Sébastien a été surnommé "le Libyen" par les deux terroristes à cause de ses cheveux longs. Lui a été "le porte-parole des otages" pendant cette prise d'otages.

Vêtu de la même tenue qu'il portait le soir du 13 novembre 2015, il a raconté comment, sous la menace des terroristes, il a passé la soirée à rappeler aux policiers que les deux hommes étaient armés et portaient une ceinture explosive.

Sébastien estime avoir "échappé six fois à la mort" ce soir-là.

"On s'est demandé à pas mal de moments-clé pourquoi ils ne nous tiraient pas dessus après ce qu'ils avaient fait."

"Il n'y a pas eu de prise d'otages"

Tous les rescapés reviennent sur le fait que la prise d'otages n'avaient pas été connue du grand public.

Comme Grégory, Caroline évoque le fait qu'après avoir été entendue par les services de police toute la nuit, elle s'est rendue à l'hôpital. "J'ai demandé un arrêt de travail car je me rendais bien compte que je ne pouvais pas retourner au travail le lundi", explique-t-elle presqu'en s'excusant. Elle indique avoir été prise en otages au Bataclan.

La réponse a été violente: "On m'a dit 'il n'y a pas eu de prise d'otages, je vous trouve irritable, vous voulez pas allez voir la cellule psychologique?'"

"Moi j'étais chargée de regarder le plafond..."

Caroline accompagnait Grégory ce soir-là au Bataclan. Elle aussi a été retenue en otage par Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad.

D'une voix douce, teintée d'émotion, Caroline évoque ces deux heures d'horreur. Elle décrit à coup de détails cette prise d'otages par ces terroristes "qui parlaient en arabe, mais ils ne aitrisaient pas la langue, ce n'était pas fluide."

"Ils n'avaient pas l'air d'avoir préparé cette partie-là, d'avoir à négocier quoique ce soit, dans ma tête, on était parti pour la nuit", explique cette femme de 40 ans en fauteuil roulant en raison d'une maladie neuromusculaire.

Dans ce couloir, chaque otage avait sa fonction Grégory devait surveiller la porte qui donnait sur le balcon.

"Moi j'étais chargée de regarder le plafond, pour éviter... je ne sais pas quoi", estime-t-elle.

Caroline évoque ensuite l'assaut. Allongée au sol, elle s'est retrouvée bloquée sous le bouclier de la BRI.

"J'ai commencé à me faire piétiner par les policiers, chacun (des otages, NDLR) essayait en passant de me tirer mais les policiers les empêchaient. David s'est dabattu il voulait absolument me sortir, il a bougé le bouclier et m'a sortie. L'assaut a été d'une violence inouie.

Grégory a servi d'intermédiaire aux terroristes

Grégory est le deuxième otages des terroristes du Bataclan à témoigner. Lui aussi se trouvait sur le balcon quand l'attaque a démarré. Avec son amie Caroline, ils sont restés sur le balcon n'ayant pas réussi à fuir. Pendant toute cette prise d'otages, il va servir d'intermédiaire aux terroristes.

Une fois regroupé dans le couloir avec les 10 autres otages, Grégory, la quarantaine, le cheveu grisonnant, raconte comment il a "passé toute sa soirée à crier" aux policiers. Lui était assis devant la porte qui séparait le couloir du balcon. Il va être chargé de communiquer avec les policiers qui se trouvent derrière cette porte. Grégory va répéter ce que lui disent les terroristes.

"On a 20 otages, on a des kalach, des ceintures explosives. On va tout faire sauter. Je sais plus si je dois dire 'je', 'ils', 'on'."

Les terroristes sont aussi venus discuter à côté de lui, lui demandant de se boucher les oreilles.

"J'ai bouché mes oreilles comme jamais. je ne voulais pas entendre à quelle sauce ont allait être mangé", évoque-t-il d'une voix douce et hésitante.

Il va également devoir relater à l'un des terroristes, diminué à force d'avoir tiré, ce qu'il entend. Quand il évoque les râles des blessés, le terroriste lui rétorque par la situation des femmes et des enfants en Syrie.

Grégory estime que pour les terroristes, "l'après Bataclan, c'est pas très clair pour eux, on a l'impression qu'ils vont temporiser." Ils se sont servi des téléphones des otages pour échanger avec le négociateur. Grégory résiste.

"Tout le monde donne son téléphone. Moi j'ai pas envie de donner le mien, j'ai pas envie de donner mes affaires. Donc je l'éteins. Je n'avais pas envie de leur donner un bien, quelque chose qui m'appartenait. Je sais pas pourquoi j'ai fait ça."

"Ils ont été surpris par l'assaut de la BRI"

Pour David Fritz Goeppinger, les terroristes "improvisait". Lorsque Samy Amimour s'est fait exploser sur la scène du Bataclan, les deux terroristes "ont joui de la mort de leur collègue" et en même temps quelque chose n'allait pas.

La deuxième partie de la prise d'otages décrite par le jeune homme se passe dans le couloir. D'abord les otages s'assoient sur les marches devant une porte. A ce moment-là, David prend la main de l'homme qui se trouve à côté de lui.

"Je lui ai pris la main 'ça va aller', je le disais un peu pour moi aussi. Aujourd'hui, c'est un de mes plus grands alliés, il s'appelle Stéphane."

L'ex-otage décrit également les tensions entre les deux terroristes notamment une discussion pour savoir s'ils doivent passer ou non un appel à "Souleymane". Six coups de fils ont été passés avec le négociateur. Ils ont entre autre réclamé une lettre signé par François Hollande.

"Ils ont été surpris de l'assaut. Ils étaient au téléphone quand l'assaut a été lancé", se souvient David.

"J'ai 23 ans, je suis otage pour quelque chose à laquelle je comprend rien"

S'appuyant sur des slides diffusées sur le grand écran de la salle d'audience, David Fritz Goeppinger revient sur son parcours d'otage. Du couloir où il est repéré par l'un des terroristes, il évoque ce moment où il va être assis aux côtés de 10 autres personnes sur le balcon.

A ce moment-là, les terroristes égrainent leurs "diatribes assez longues sur l'Etat islamique". A un moment, "une voix me dit 'qu'est-ce que tu penses de ton président?'".

"Je lui dit que je ne pense rien, il me répond 'ne te crispe pas parce que tu veux pas que je te tue'. Mais je suis chilien, je suis étranger, j'ai 23 ans donc la politique me passe au dessus", explique David Fritz Goeppinger.

Les terroristes justifient leur action par l'intervention de la France en Syrie. "J'ai 23 ans, je suis en otage pour quelque chose à laquelle je ne comprend rien. Moi mon quotidien c'était juste de boire des coups avec mes potes."

La lettre de l'ex-otage des terroristes

David Fritz Goeppinger a publié ce mardi matin une lettre. "Ca ne doit pas être facile de venir aujourd'hui", lui a soufflé le président de la cour d'assises après son témoignage

"Je comprend rien à part que je vais mourir"

Depuis 20 minutes, David Fritz Goeppinger témoigne. En 2015, il avait 23 ans, il avait rejoint des amis au Bataclan. Ils se trouvaient sur le balcon quand l'attaque a débuté. Pendant le concert, il se rend aux toilettes.

"Quand j'ai terminé j'entend des coups de feu, je comprends prequ'instantanément que ce sont des tirs de kalachnikov", explique David.

Après un mouvement de foule, David se retrouve tout seul. Il se dirige vers un couloir. Une femme enceinte lui demande: "est-ce que je peux sauter par la fenêtre?". "Je comprend la détresse de tout le monde", explique le jeune homme.

Il tente alors de se hisser sur le toit. Pendu à une barre en métal le long de la façade, un homme vient à côté de lui.

"Je me dis que je vais mourir là soit d'une balle, soit de la chute, mais je dis au mec à côté de moi qu'après on ira boire une bière".

Puis Ismaël Mostefaï, l'un des terroristes, passe la tête par la fenêtre. "Il dit 'descendez de là et si vous êtes pas tout seul je vous tue'", décrit que le jeune homme qui sous la menace du terroriste.

"Je comprend rien à part que je vais mourir", souffle David Fritz Goeppinger.

"Si je tombe, je meurs, si je reste debout, je reste vivant"

Daniel Psenny a quitté ensuite son appartement pour descendre dans le passage Amelot où de nombreux corps sont au sol. Il se dirige vers un homme le seul pour lequel il n'est pas obligé de traverser le passage.

Il était "salement touché par plusieurs balles aux jambes, je l'ai tiré dans le hall de mon immeuble". A ce moment-là, Daniel Psenny a ressenti une violence douleur dans le bras gauche, il venait d'être atteint par une balle tirée du premier étage par l'un des terroristes.

"Si je tombe, je meurs, si je reste debout, je reste vivant, je suis resté debout", témoigne le journaliste qui dit avoir été "épargné par miracle" de ce 13-Novembre.

"Ces images, même avec le recul des années, me hantent encore"

La cour a visionné les images filmées par le journaliste Daniel Psenny. Des images particulièrement dures qui ont glacé la salle, des rescapés du Bataclan ont quitté la salle.

Sur ces images, on peut voir les portes des issues de secours du Bataclan. En sont sortis des dizaines de spectateurs. Certains s'écroulent juste devant les portes, d'autres les enjambent. Comme le décrit le journaliste à la barre, ce sont des "grappes d'hommes et de femmes" qui en sortent.

Sur la façade du bâtiment, une femme enceinte notamment se retenait à bout de bras tentant d'échapper aux terroristes. On l'entend supplier qu'on lui vienne en aide. Tout comme cet homme qui hurle "Oscar, Oscar" à la recherche de son fils.

On peut voir également des personnes traînant au sol des blessés pour tenter de les éloigner du Bataclan. Dans la nuit, quand le calme est revenu, seuls des téléphones portables scintillaient.

"Même 6 ans après c'est très dur de revoir ça, je suis choqué par ces images que j'ai moi-même filmées", a conclut Daniel Psenny.

"J'ai été témoin, acteur, victime et miraculé"

Un ancien journaliste du Monde est venu témoigner. Les fenêtres de son appartement donne sur les issues de secours du Bataclan. Ce soir du 13 novembre 2015, il travaillait chez lui quand il a entendu "comme des claquements secs qui ressemblaient à des bruits de pétards".

De sa fenêtre, il a filmé "un instant décisif", un " instant qui m'a saisi par sa barbarie". L'homme de 64 ans a été reconnu comme victime.

"J'ai été témoin, acteur, victime et miraculé", dit-il.

Une vidéo prise d'un immeuble en face du Bataclan va être diffusée

Une vidéo, un extrait de 6 minutes, filmée depuis le 2e étage d'un immeuble en face du Bataclan va être diffusée pendant le témoignage d'un riverain.

Des images "très fortes" rappelle le président de la cour d'assises, qui invite les parties civiles qui le souhaitent à quitter la salle lors de sa diffusion.

Neuf auditions prévues

Neuf auditions sont prévues aujourd'hui. Trois personnes prises en otage par les terroristes viendront témoigner.

Ensuite, la cour entendra le témoignage des riverains de la salle de concert du Bataclan puises primo-intervenants, dont des gardiens de la paix.

Les "otages" du Bataclan témoignent

Cette 28e journée du procès des attentats du 13-Novembre va voir les "otages" du Bataclan témoigner. Pendant plus de deux heures, ils ont été retenus par les terroristes avant d'être libérés au cours de l'assaut des policiers de la BRI.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV