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Terrorisme

Attaque de Strasbourg: une revendication "opportuniste" de Daesh?

L'auteur de la fusillade de Strasbourg a été abattu jeudi soir dans le quartier du Neudorf. Peu après, le groupuscule Daesh a assuré que Chérif Chekatt faisait partie de ses "soldats". Une revendication jugée "opportuniste" par Guillaume Farde, spécialiste des questions de sécurité.

Après 48 heures de traque, l'auteur de la tuerie de Strasbourg a finalement été abattu par des agents de la brigade de surveillance territoriale, jeudi soir. Bilan: trois morts, treize blessés et un retour de la peur du jihadisme que Daesh s’est empressé de faire valoir. Chérif Chekatt "faisait partie des soldats de l'État islamique" soutient l’organisation terroriste dans un communiqué diffusé par son agence de propagande, Amaq. Une manière de réaffirmer sa capacité à organiser des actions meurtrières. Pourtant, le doute s’instille sur la véracité du lien entre Daesh et l’attaque.

"C’est une revendication opportuniste", affirme sur BFMTV Guillaume Farde, maître de conférence et spécialiste des questions de sécurité.

"Dans le contexte actuel d’affaiblissement, a minima géographique, de l’Etat islamique, c’est une façon de se raccrocher à cet attentat en disant qu’ils ont réussi, par l’intermédiaire de Chérif Chekatt, à frapper Strasbourg et son marché de Noël dont on sait qu’il est ciblé depuis longtemps", poursuit-il.

Selon l’expert, la fermeture, même de 48 heures, de cet emblématique marché, retentit comme une victoire pour l’organisation terroriste. Si Daesh a l’occasion de s’en prévaloir, "il ne va pas s’en priver", analyse Guillaume Farde.

Des revendications qui interrogent

Ce ne serait pas la première fois que le groupuscule terroriste revendiquerait une action dont il n’est pas le commanditaire. 36 heures après l'attaque de Nice qui avait fait 86 morts et près de 500 blessés le 14 juillet 2016, le groupe Etat islamique revendiquait l'attentat, exécuté par l'un de ses "soldats", selon un communiqué publié par Amaq. Pourtant, deux ans plus tard, les enquêteurs n'établissent toujours aucun lien entre Daesh et Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’auteur de la tuerie qui présentait, certes, un intérêt pour l'idéologie jihadiste.

En juin 2017, une attaque dans un casino de Manille, aux Philippe, avait causé la mort d'une trentaine de personnes. La tuerie, aussitôt revendiquée par Daesh, avait finalement été attribuée à un ancien fonctionnaire du ministère des Finances, licencié en 2014 et accablé par les dettes de jeu. Idem en octobre 2017: Daesh avait déclaré, toujours par le biais d’un communiqué de son agence de propagande, que Stephen Paddock, l’auteur de la fusillade de Las Vegas qui avait fait 58 morts, était "un soldat du califat (…) tombé en martyr". Une assertion démentie par les autorités américaines qui ont assuré n’avoir établi "aucun lien avec un groupe terroriste" et l’ont qualifié de "loup solitaire" en proie à la "folie".

En Syrie et en Iraq, Daesh enchaîne les défaites tandis que certains de ses dirigeants ont été tués dans des frappes de la coalition internationale. Acculée, l’organisation Etat islamique ne semble plus avoir les moyens d'organiser depuis l'extérieur des attentats d'envergure, comme au moment de l'attaque du 13 novembre 2015. Si la menace reste élevée en France, elle a changé de forme, indiquait le mois dernier Christophe Castaner sur RMC et BFM. Le passage à l'acte apparaît plus solitaire et spontané: on appelle ça le terrorisme d'opportunité.

Ambre Lepoivre