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Terrorisme

Assassinat de Samuel Paty: l'avancée de l'enquête met en évidence des défaillances du renseignement

Les témoignages d'amis de l'assassin de Samuel Paty, les contacts du futur terroriste avec le père d'une des élèves du professeur d'histoire-géographie... Selon nos informations, la dérive islamiste d'Abdoullakh Anzorov avait commencé à être signalée six mois avant le crime.

L'instruction se poursuit dans le dossier autour de l'assassinat de Samuel Paty, ce professeur d'histoire-géographie décapité le vendredi 16 octobre 2020 à Eragny dans le Val-d'Oise alors qu'il sortait tout juste de son collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. Lundi, la cour d'appel de Paris a confirmé la mise en examen du militant islamiste Abdelhakim Sefrioui pour complicité d'assassinat en lien avec une entreprise terroriste.

Mais l'enquête explore surtout la personnalité de l'assassin, Abdoullakh Anzorov, et le parcours qui a mené ce Tchétchène de 18 ans à sombrer dans le fanatisme puis le terrorisme. Et selon les nouveaux éléments révélés par BFMTV ce mardi matin, ce parcours témoigne de ratés des renseignements à son égard.

Une dérive remarquée par ses amis

Sur Twitter, les premiers signalements remontent à juin 2020, six mois avant son passage à l'acte. Son compte Tchetchene_270 est même dénoncé à la plateforme du ministère de l'Intérieur Pharos. Il faut dire que le jeune homme y laisse libre cours à sa haine d'inspiration religieuse. Tous y passent: les femmes, les juifs, et même la Chine. Il ne s'agit pas que d'une affaire de clavier. À cette époque, c'est toute sa conduite qui change, comme le notent ses amis.

Selon nos informations, l'un d'entre eux l'a un jour entendu asséner: "Louper une prière, c’est pire que violer un homme." Un autre s'aperçoit que le drapeau de Daesh lui sert désormais de fond d'écran d'ordinateur.

Les échanges avec le parent d'élève

En septembre, la colère d'Anzorov prend un nouveau cap. C'est le procès des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo et l'épicerie Hyper-Cacher. L'hebdomadaire republie les fameuses caricatures. De son côté, celui qui s'apprête à sauter le pas du terrorisme veut désormais combattre et il en parle à des internautes jihadistes.

En octobre, il découvre sur Facebook une polémique locale autour d'un enseignant ayant montré les dessins satiriques à l'occasion d'un cours sur la liberté d'expression. Il contacte alors Brahim Chnina - lui-même mis en examen dans l'enquête -, père d'une des élèves. Si on apprendra plus tard que sa fille n'était même pas présente en classe lors du cours fatidique, celui-ci se montre très virulent sur les réseaux sociaux. En plus de livrer son propre numéro de portable, Brahim Chnina cite le nom de Samuel Paty, ainsi que l'adresse du collège.

Selon nos informations là encore, Abdoullakh Anzorov et Brahim Chnina échangent au moins sept fois, par SMS et appels téléphoniques, entre les 8 et 13 octobre. De là, jaillissent des coups de fil anonymes au collège, des menaces en ligne. La principale de l'établissement avertit la police une première fois.

Ces ombres n'échappent pas à Samuel Paty qui envoie un mail à ses collègues: il se sent menacé dans son intégrité physique par des islamistes locaux. Il porte plainte le 12 octobre. Il sera assassiné le 16. Jamais Anzorov - neutralisé et abattu sur place par les forces de l'ordre après son équipée meurtrière - n'aura été inquiété.

Igor Sahiri avec R.V.