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Police-Justice

Sur écoute, les fréquentations d'Alexandre Djouhri au sommet du pouvoir

Alexandre Djouhri

Alexandre Djouhri - Capture d'écran BFMTV

Alexandre Djouhri a été placé lundi en garde à vue à Londres, dans l'attente de son extradition vers la France. Il doit être entendu dans le cadre de l'enquête sur l'éventuel financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Dans son édition à paraître mercredi, Le Canard enchaîné publie des extraits des écoutes de ses conversations avec des personnages qui se sont trouvés au sommet du pouvoir, dont l'ex-président de la République.

Lundi, quelques heures après avoir été arrêté à l'aéroport d'Heathrow à Londres, Alexandre Djouhri a été placé en garde à vue. Son interpellation au Royaume-Uni était consécutive à l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre à Paris. Il doit être entendu dans le cadre de l'enquête sur un possible financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 à laquelle il est soupçonné d'être mêlé. Dans son édition à paraître ce mercredi, Le Canard enchaîné dévoile des passages des écoutes de ses conversations téléphoniques dont disposent les enquêteurs. 

Sarkozy, Villepin et Poutine 

Les écoutes judiciaires en disent long sur ses liens avec plusieurs (anciens) grands personnages de l'Etat, au premier rang desquels l'ex-président de la République Nicolas Sarkozy, et celui qui fut le Premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin. Elles révèlent aussi des facettes de sa personnalité et la nature de ses relations avec ses interlocuteurs.

Alexandre Djouhri est impatient. Le 20 janvier 2015, il est à Moscou en compagnie de Dominique de Villepin. Et, visiblement, l'attente dans l'antichambre de Vladimir Poutine lui pèse. Il passe alors un coup de fil à l'ancien chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, sur un ton très familier: "Nicolas, tu peux nous passer un coup de fil, toi, pour qu'on voie Poutine un peu plus rapidement? Au lieu qu'on poireaute?" demande-t-il à l'ancien président de la République. "Parlons-en demain, hein?" répond ce dernier qui ajoute en prenant congé: "Je t'embrasse". 

Heureux en amitié 

S'il se permet de formuler une telle requête, c'est que, comme le montre une autre discussion, Alexandre Djouhri a contribué à rabibocher les frères ennemis de la droite, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Une conversation du 21 janvier 2014 avec le préfet Hugues Moutouh et ancien conseiller de Claude Guéant le pose en réconciliateur. "J'ai une réunion (...) avec les frères Pétard, les Dassault, les deux. (...) J'ai réussi à remettre les deux à s'entendre et à se parler", se vante Alexandre Djouhri. "Ah! bravo! t'avais déjà réussi à (réconcilier) Dominique et Nicolas", sourit son interlocuteur à l'autre bout du fil. 

L'homme d'affaires est lui-même heureux en amitié. Le 10 décembre 2013, il parle avec, justement, Dominique de Villepin. L'ancien chef du gouvernement veut savoir s'il "a réglé". Il ajoute ensuite: "Ils ont transmis ton nom à Tracfin et ils te recherchent partout". Tracfin est l'organisme du ministre de l'Economie et des Finances chargé notamment de la lutte contre le blanchiment d'argent. "T'inquiète", lui intime Alexandre Djouhri, "je vais le faire, mais c'est pas à mon nom hein". Il peut aussi compter sur la sollicitude, dans un autre registre, de son ami Bernard Squarcini, ancien préfet et chef de la DCRI entre 2008 et 2012. Celui-ci lui glisse un jour: "Deux champs de pétrole au Kazakhstan à vendre, ça t'intéresse?" Oui, et vivement: "Ouais, OK, bien sûr, évidemment", répond Alexandre Djouhri.

L'embarrassant "monsieur Alexandre"

Alexandre Djouhri peut aussi embarrasser. Le 4 décembre 2013, l'ancien juge d'instruction et alors député, Alain Marsaud le lui fait entendre en lui disant: "Personne ne veut que tu rentres en France. Ils ont trop peur que tu parles". Mais alors qu'Alexandre Djouhri veut croire que "Nicolas" n'en a "rien à foutre", Alain Marsaud poursuit: "Il en a rien à foutre... Enfin, il préfère que tu sois pas en France, que t'ailles pas voir le juge!" 

En cas d'extradition, il le faudra bien pourtant.

Robin Verner