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Soupçons de traite d'êtres humains, aéroport confiné... Ce que l'on sait de l'avion cloué au sol dans la Marne

L'aéroport de Châlons-Vatry, dans la Marne, a été confiné après l'atterrissage d'un avion, avec plus de 300 passagers. Les autorités soupçonnent que ces personnes soient des victimes de traite d'êtres humains.

Un avion cloué au sol avec 300 passagers, un aéroport confiné et deux personnes placées en garde à vue, c'est le résultat d'une enquête ouverte par le parquet de Paris sur des soupçons de traite d'êtres humains, a appris BFMTV, ce vendredi, confirmant les informations de L'Union.

Depuis jeudi, l'aéroport de Châlons-Vatry dans la Marne est confiné, après l'atterrissage d'un avion, en provenance des Émirats arabes unis, avec plus de 300 passagers à son bord. Les autorités françaises soupçonnent que certains d'entre eux soient victimes de traite d'êtres humains.

• Un renseignement anonyme a alerté les autorités

Les autorités soupçonnent que des victimes d'un trafic de traite d'êtres humains se trouvent parmi les passagers, a expliqué le parquet, ajoutant que c'est un renseignement anonyme qui a alerté les autorités. Le parquet a donc demandé à la Brigade de Gendarmerie des transports aériens (BGTA) d'immobiliser l’appareil sur le tarmac de l'aéroport.

L'avion en question, un A340 de la compagnie aérienne roumaine, Legend Airlines, parti de Dubaï (Émirats Arabes Unis), a atterri à l'aéroport de Châlons-Vatry, ce jeudi 21 décembre vers 15 heures, pour une escale technique, ont expliqué la préfecture de la Marne et le parquet de Paris. Il devait ensuite redécoller vers le Nicaragua. À son bord, se trouvaient 303 passagers, toutes de nationalité indienne, dont 11 mineurs non-accompagnés, a précisé le parquet ce samedi.

C'est un renseignement anonyme qui a alerté les autorités, indiquant que, parmi les passagers, certains d'entre eux pourraient être victimes d'un trafic de traite d'êtres humains, explique le parquet, qui a demandé à la Brigade de Gendarmerie des transports aériens (BGTA) d'immobiliser l’appareil.

• Deux personnes placées en garde à vue

Une enquête judiciaire a effectivement été ouverte par le parquet de Paris, notamment pour déterminer s'il s'agit de passagers clandestins et faire le point sur leurs conditions de transports. Les investigations sont menées par la Junalco (Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée).

Depuis jeudi, des auditions et des vérifications d'identité ont été menées auprès des 303 passagers et du personnel navigant par la Direction nationale de la police aux frontières (notamment l’OLTIM, l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants), la gendarmerie des transports aériens, et les Brigade de recherche de Vitry-le-François.

Jeudi, deux personnes, des passagers, ont été placées en garde à vue pour "vérifier et corroborer le soupçon de traite des êtres humains en bande organisée", un crime passible de vingt ans de réclusion criminelle et de trois millions d'euros d'amende, a précisé le parquet. Leurs gardes à vue ont été prolongées de 24 heures, ce samedi soir, a fait savoir le parquet de Paris à BFMTV.

A bord de l'avion se trouvaient 303 passagers, tous de nationalité indienne, dont 11 mineurs non-accompagnés. Ces derniers se sont vu désigner des administrateurs ad-hoc pour les représenter. Tous les passagers majeurs ont été auditionnés, a indiqué le parquet de Paris à BFMTV, ce samedi.

Selon nos informations, les passagers ont tous livré la même explication quant au voyage auquel ils participaient. Selon eux, ils effectuaient ce vol vers le Nicaragua dans un but touristique afin d'aller visiter les lacs sur place. Et devaient ensuite rentrer en Inde, environ une semaine plus tard. Mais, selon nos informations, les enquêteurs soupçonnent d'être face à une filière d'immigration clandestine.

Les policiers s'interrogent ainsi sur un projet d'immigration irrégulière vers le Nicaragua qui ne serait qu'un point d'étape avant que les Indiens ne soient ensuite envoyés en Amérique du Nord (aux Etats-Unis mais surtout au Canada) pour travailler, selon nos informations.

Parmi les passagers, de nombreuses personnes sont membres de la communauté sikh. Il y a des familles avec des enfants en bas âge, voire en très bas âge, ainsi que des hommes seuls. Lors de leurs auditions, ils ont expliqué avoir financé le voyage eux-mêmes.

• Des lits, des sanitaires et des repas distribués

Si les passagers sont restés dans un premier temps à bord de l'appareil, "où ils ont pu se restaurer", ils ont ensuite été débarqués dans l'aéroport. Mais au vu de "l'arrivée importante de ressortissants étrangers", la préfecture de la Marne a publié un arrêté visant à confiner l'aéroport en étendant la zone d'attente de ces passagers à l'ensemble des points d'embarquement et de débarquement, mais aussi au hall d'accueil. Selon la préfecture, qui a ouvert une cellule de crise, les passagers vont "passer la nuit (de vendredi à samedi) à l'aéroport".

Les passagers sont pris en charge et des lits individuels ont été installés dans les différentes zones d'attentes. La protection civile de la Marne a indiqué à l'AFP avoir déployé au sein de l'aéroport des sanitaires, des douches, en plus des lits, et avoir mobilisé depuis jeudi soir une dizaine de bénévoles, qui se succèdent pour accompagner les passagers.

Des produits d’hygiène, des kit de nuit ainsi que des boissons chaudes leur ont été distribués par la Protection civile, a ajouté la préfecture, samedi matin. Une "zone famille" a été délimitée "pour assurer l’intimité parent-enfant" et la distribution de trois repas quotidiens sont assurés par les services de l’État, selon un communiqué, qui assure également qu'un médecin est présent et que le consulat général d’Inde se rend régulièrement sur place.

En raison du confinement de l'aéroport, les autorités ont été contraint de dérouter le vol Marrakech-Vatry de 9h40 de la compagnie Ryanair du 22 décembre 2023.

• La compagnie aérienne nie toute implication

Invitée sur le plateau de BFMTV, ce vendredi, Liliana Bakayoko, l'avocate de la compagnie aérienne roumaine, Legend Airlines, a affirmé que la compagnie n'avait "rien à voir avec les accusations qui sont soulevées". "Elle n'est accusée de rien, ni les membres de l'équipage, ni la compagnie aérienne", a martelé l'avocate.

Legend Airlines "intervient en tant que transporteur", a-t-elle expliqué, affirmant que "le vol a été réalisé pour "un client de la compagnie".

"La compagnie, elle n'a pas vendu de billets à chacun de ces 300 personnes, elle n'a pas de contrat avec chacun des individus qui sont montés dans l'avion. Elle a un contrat avec son client qui, effectivement, leur a permis d'assurer le voyage", a poursuivi Liliana Bakayoko.

À ce stade, la compagnie aérienne ne souhaite pas nommer son client, considérant "que la présomption d'innocence doit s'appliquer à lui aussi". "Il est innocent pour le moment, on ne l'accuse de rien, c'est un client fiable de la compagnie", a enchaîné l'avocate, qui a simplement donné quelques précisions.

"Il s'agit d'une société, qui n'est pas une société européenne. Ce n'est pas une société française, ce n'est pas une société roumaine, c'est une société qui est immatriculé en dehors de l'Union européenne, qui avait demandé à la compagnie d'assurer ces vols", a précisé l'avocate.

Selon l'avocate, la compagnie aérienne a d'ailleurs vérifié "la conformité des documents présentés par le client, qui doit démontrer que ces personnes ont le droit d'aller au Nicaragua, ont des passeports valides".

"C'est le client qui communique les documents de voyage des passagers, effectivement, il les a communiqués 48 heures à l'avance, comme il en avait l'obligation. La compagnie, elle ne peut pas vérifier les casiers judiciaires des personnes transportées", a ajouté Liliana Bakayoko.

Selon l'avocate, la compagnie ne s'est pas alertée: "303 personnes, ce n'est pas un nombre qui alerte. Elles ne sont pas enfermées dans un camion sans aération, sans nourriture".

Invitée une nouvelle fois sur le plateau de BFMTV, ce samedi, l'avocate a fait savoir que "les membres de l'équipage ont été interrogés, les interrogatoires ont pris fin et ils sont tous libres de leurs mouvements désormais".

"Aucun d'entre eux n'a été placé en garde à vue, ils n'ont aucune restriction de l'Etat français quant à leur droit de circuler librement", a-t-elle précisé.

Néanmoins, elle a prévenu que la compagnie "se portera partie civile et portera plainte d'elle qu'elle aura un peu plus d'éléments", a fait savoir Me Liliana Bakayoko.

"C'est un préjudice économique important, mais c'est aussi leur image qui en pâtit", a-t-elle poursuivi, expliquant que Legend Airline.

• L'ambassade étudie la situation

"L'ambassade a obtenu l'accès consulaire. Nous étudions la situation et veillons au bien-être des passagers", a indiqué l'ambassade d'Inde en France sur X, ex-Twitter.

La loi prévoit que s'il arrive en France par avion et que l'embarquement vers son pays de destination lui est refusé, un étranger peut être maintenu en zone d'attente pendant quatre jours maximum par la police aux frontières.

Ce maintien peut ensuite être prolongé de huit jours par un juge des détentions et de la liberté (JLD), puis de huit jours supplémentaires à titre exceptionnel. Au maximum, en fonction des recours, le maintien en zone d'accueil peut atteindre 26 jours.

Manon Aublanc