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Police-Justice

Soupçons de chantage contre le Maroc: les deux journalistes français mis en examen

Les deux journalistes français soupçonnés d'avoir tenté de soutirer 3 millions d'euros au roi du Maroc, Mohamed VI, ont été mis en examen. L'avocat de la journaliste Catherine Graciet dénonce un "traquenard".

Ils ont passé un peu plus de 24 heures en garde à vue dans les locaux de la brigade de la délinquance, avant d'être présentés à un juge d'instruction. Les deux journalistes soupçonnés d'avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc ont été mis en examen et remis en liberté sous contrôle judiciaire, a-t-on appris samedi matin. 

Dans ce scénario rocambolesque, les deux journalistes, Eric Laurent et Catherine Graciet, ont été arrêtés jeudi à Paris à la sortie d'un rendez-vous avec un représentant du Maroc. Ils venaient de toucher une somme d'argent, a indiqué une source proche du dossier.

L'avocat de la journaliste Catherine Graciet, Me Eric Moutet a confirmé qu'un "deal financier" avait bien eu lieu avec le Maroc mais que les deux journalistes avaient été "piégés" par des "enregistrements sauvages".

"Le contexte du dossier est très troublant: le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un nouveau livre sur l'entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place", a estimé son avocat.

Trois millions d'euros réclamés?

Selon le récit de l'avocat du Maroc, Me Eric Dupond-Moretti, l'affaire commence le 23 juillet quand Eric Laurent contacte le cabinet royal et sollicite une rencontre en disant qu'il prépare un livre. Le journaliste de 68 ans n'est pas un inconnu au Maroc. Il a publié en 1993 un livre d'entretiens avec l'ancien monarque Hassan II, père de l'actuel roi Mohammed VI.

Début 2012, il publie, avec Catherine Graciet cette fois, un livre accusateur contre Mohammed VI, Le roi prédateur. L'édition du journal espagnol El Pais avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre.

Après l'appel d'Eric Laurent, un représentant du cabinet du roi, un avocat marocain, a rencontré le journaliste. "Et là, surprise, énorme", raconte Me Dupond-Moretti, "Eric Laurent dit 'écoutez, je prépare un livre avec Catherine Graciet, co-auteure, et moyennant trois millions d'euros, il n'y a pas de polémique, on retire notre bouquin".

"Piège" 

Le Maroc a déposé plainte à Paris, conduisant le parquet à ouvrir une enquête. Dans ce cadre, des réunions ont été organisées, "des rencontres filmées, enregistrées, entre le représentant du roi" et les journalistes, poursuit Eric Dupond-Moretti.

"C'est précisément l'avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages", a affirmé de son côté l'avocat de Catherine Graciet, jugeant qu'"il y a dans cette affaire une logique de stratagème".

Selon Me Dupond-Moretti, les deux journalistes sont sortis du dernier rendez-vous parisien, jeudi, sous surveillance policière, avec "un acompte substantiel de 40.000 euros chacun". Peu après, ils ont été arrêtés et placés en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).

Contexte particulier entre Paris et Rabat

Les deux journalistes ont publié plusieurs autres ouvrages (Bush, l'Iran et la bombe, La face cachée du pétrole, La face cachée du 11 septembre pour Eric Laurent, La régente de Carthage: main basse sur la Tunisie, Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison pour Catherine Graciet.

Jeudi, les Editions du Seuil ont confirmé qu'ils préparaient un livre sur le roi du Maroc, "pour une sortie en janvier/février". "Si les faits sont avérés c'est très surprenant de la part de Catherine. Elle n'a pas le profil pour ce type de délit", a réagi le journaliste Nicolas Beau, co-auteur de La régente de Carthage.

L'affaire survient dans un contexte particulier entre Paris et Rabat, qui se sont réconciliés début 2015 après une brouille d'un an à cause de plaintes à Paris pour tortures contre le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi. En février 2014, des policiers lui avaient notifié directement à l'ambassade du Maroc à Paris où il se trouvait une convocation d'un juge d'instruction, suscitant la colère de Rabat.

la rédaction avec AFP