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Police-Justice

Servier accusé de jouer la montre au sujet du Mediator

Les défenseurs des victimes du Mediator réclament l'intervention du gouvernement contre les laboratoires Servier, dont ils dénoncent les manoeuvres dilatoires pour retarder procès et indemnisations, après qu'une patiente a été victime d'une attaque cardia

Les défenseurs des victimes du Mediator réclament l'intervention du gouvernement contre les laboratoires Servier, dont ils dénoncent les manoeuvres dilatoires pour retarder procès et indemnisations, après qu'une patiente a été victime d'une attaque cardia - -

par Laure Bretton PARIS (Reuters) - Les défenseurs des victimes du Mediator ont réclamé lundi l'intervention du gouvernement contre les laboratoires...

par Laure Bretton

PARIS (Reuters) - Les défenseurs des victimes du Mediator ont réclamé lundi l'intervention du gouvernement contre les laboratoires Servier, dont ils dénoncent les manoeuvres dilatoires pour retarder procès et indemnisations.

L'attaque cardiaque dont a été victime une patiente samedi après une expertise judiciaire prouve que le temps presse, a déclaré à Reuters Me Charles-Joseph Oudin, qui défend une trentaine de patients ayant pris le médicament fabriqué par Servier et souffrant aujourd'hui de graves maladies cardiaques.

"On provoque du stress inutile chez des patients affaiblis physiquement et psychologiquement", estime-t-il.

Mis à nouveau en cause, les laboratoires, dont le coupe-faim serait responsable de 500 à 2.000 décès en France depuis le début de sa commercialisation en 1976, se sont retranchés lundi derrière les médecins chargés des expertises judiciaires qui doivent déclencher une éventuelle indemnisation.

Pour Me Oudin, les ministres de la Justice et de la Santé doivent donc limiter le cadre procédural des expertises alourdies, selon lui, par des "demandes ubuesques" de Servier.

Sa patiente de 57 ans, qui vit avec deux prothèses valvulaires, a été plongée dans le coma artificiel à Rennes, où elle s'était rendue pour les besoins d'une expertise visant à établir un lien éventuel entre sa maladie et le Mediator, qu'elle a pris pendant deux ans.

DOSSIER DEPUIS LA NAISSANCE

Sa vie n'est pas en danger mais on ignore quelles seront les conséquences cérébrales de cet accident cardiaque, survenu moins d'une heure après l'expertise.

Elle a subi des examens pendant environ quatre heures, se prêtant notamment à un test d'effort.

L'expert judiciaire lui a demandé, entre autres, ce qu'elle avait pris comme médicaments lorsqu'elle habitait en Belgique dans les années 1980, rapporte Me Oudin.

Dans un autre cas, dit l'avocat, on a demandé à un patient de 68 ans de fournir son dossier médical depuis sa naissance.

Selon l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas), le Mediator a été commercialisé pendant plus de 30 ans en France comme un anti-diabétique alors qu'il était un coupe-faim.

L'Igas estime que Servier a "roulé dans la farine" les experts pour pouvoir commercialiser son produit jusqu'en 2009 sous une autre indication pharmacologique.

Deux informations judiciaires ont été ouvertes mi-février pour "tromperie" et "homicides involontaires" par le parquet de Paris. Ces procédures pourraient provoquer l'annulation du procès pour tromperie prévu en septembre devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Pour la fille de la victime de Rennes, "le stress du tribunal" est la cause du malaise de sa mère. "Plus ils mettront de temps à faire parler les gens pour aller en justice, plus il y aura de morts", a-t-elle dit sur RTL.

"ON TOUCHE À L'INHUMAIN"

Même constat pour le député socialiste Gérard Bapt, cardiologue de formation. "Servier est rompu à l'art de jouer la montre", a-t-il déclaré à Reuters.

Le président de la mission d'information parlementaire sur le Mediator, qui doit entendre mercredi le fondateur des laboratoires Servier, estime que l'on "touche à l'inhumain" avec ces procédures dues à une "inflation de demandes" de Servier.

A l'annonce de l'attaque cardiaque de la patiente de Rennes, il a appelé le ministère de la Santé dimanche pour réclamer "une justice humaine" et un encadrement des experts judiciaires".

Comme dans le cas de l'Isoméride, un autre médicament fabriqué par Servier et retiré du marché en 1997, le laboratoire va contester le lien de causalité entre le Mediator et chaque victime, prévient Dominique-Michel Courtois, président de l'association des victimes du Mediator (Avim).

Il se dit "surpris" que l'avocat de la patiente de Rennes n'ait pas refusé le test d'effort et conteste, comme Gérard Bapt, l'attitude de l'expert judiciaire qui aurait dû interrompre ces examens complémentaires.

Mi-mars, l'Avim déposera 500 plaintes supplémentaires pour blessures et homicides involontaires ainsi que 50 plaintes de plus pour tromperie, explique Dominique-Michel Courtois.

"Il ne faut s'attendre à aucune gentillesse de Servier et ne rien céder", a-t-il dit à Reuters. "Nous avons en face de nous des gens qui vont défendre leurs intérêts jusqu'au bout".

Edité par Yves Clarisse