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Salah Abdeslam, retenu "temporairement" par la justice belge, échappera-t-il à la perpétuité en France?

Après le procès des attentats de Bruxelles, la justice belge interdit provisoirement le retour de Salah Abdeslam en France. Si cette décision est confirmée, le jihadiste membre du commando du 13-Novembre pourrait théoriquement faire une demande de libération.

C'est un rebondissement inattendu qui ulcère les familles des victimes. La cour d'appel de Bruxelles a interdit ce mardi à l'État belge de procéder au transfèrement de Salah Abdeslam vers la France, où le jihadiste est censé purger sa peine de perpétuité incompressible pour les attentats du 13 novembre 2015.

En juillet 2022, après la fin d'un procès-fleuve à Paris, Salah Abdeslam a fait l'objet d'une "remise temporaire" à la Belgique, le temps de mener cette fois le procès des attentats de mars 2016 à Bruxelles pour lesquels il a été condamné pour "assassinats dans un contexte terroriste".

Mais le retour en France, qui devait intervenir le 12 octobre au plus tard, est "suspendu temporairement", a fait valoir la cour d'appel qui statuait en référé (en urgence) et a pris le contre-pied du jugement de première instance.

La justice belge pointe le risque d'une violation des droits de l'Homme

Selon les avocats du jihadiste, à qui la cour d'appel belge donne raison, Salah Abdeslam risque de subir une violation de ses droits en France. En effet, Salah Abdeslam a été condamné à Paris à la perpétuité incompressible, ce qui signifie qu'il ne pourra pas bénéficier d'aménagement de peine avant 30 ans.

Cette peine est assimilée à "une mort lente" par ses avocats. Selon eux, la France n'offre aucun espoir de libération (critères trop drastiques, trop contraignants) et aucun espoir de réinsertion. Ils arguent que le traitement dont leur client bénéficierait en Belgique lui serait plus favorable.

Dans son arrêt, la cour relève que le retour d'Abdeslam en France "risque de conduire à une violation des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme", relatifs à l'interdiction de faire subir "des peines ou traitements inhumains ou dégradants" et au droit de chacun au "respect de (sa) vie privée et familiale".

Une nouvelle décision de justice attendue

Si cette décision provisoire est confirmée, le seul survivant du commando des attentats du 13-Novembre pourra faire une demande libération en Belgique, mais pas avant une quinzaine d'années selon ses avocats. Salah Abdselam n'a toutefois aucune garantie que cette demande sera acceptée par le tribunal d'application des peines. De nombreuses expertises pour évaluer sa dangerosité et sa capacité de réinsertion devront être menées.

Le dossier doit désormais passer le 17 octobre prochain devant un autre tribunal belge qui devra infirmer ou confirmer la décision de la cour d'appel de Bruxelles. Cette nouvelle décision peut prendre plusieurs mois, jusqu'à un an et demi selon une source judiciaire. Les avocats de Salah Abdeslam ont assigné l'État belge. Ils lui demandent de respecter la convention des droits de l'homme.

Les autorités belges peuvent de leur propre chef transférer Salah Abdeslam vers la France mais une telle décision serait contraire au droit. Cela s'est toutefois déjà vu par le passé, notamment avec Nizar Trabelsi. Cet ancien joueur de foot tunisien, condamné pour un projet d'attentat contre l'ambassade des États-Unis en France et emprisonné en Belgique, avait été remis aux États-Unis en 2022.

Les familles des victimes s'indignent

"Le verdict définitif du procès de Salah Abdeslam, qui n'a pas fait appel, pourrait se retrouver à être discuté hâtivement par la justice belge", s'insurge Arthur Dénouveaux, président de l'association de victimes des attentats du 13 novembre 2015 Life for Paris.

Des sources judiciaires consultées par BFMTV parlent d'une situation "incompréhensible" et "unique" alors qu'il était prévu qu'Abdeslam revienne en France après son procès en Belgique.

Le ministre français de la Justice, Éric Dupond-Moretti, ne s'est pas exprimé sur le sujet.

Abdeslam détenu sans surveillance vidéo

Salah Abdeslam est actuellement détenu dans la prison bruxelloise de Haren. Il est en quartier de haute sécurité, à l'isolement, sans aucun contact avec les autres détenus sauf un avec lequel il a des sorties dans le préau.

Le jihadiste a le droit à des parloirs et peut passer des appels. Fait important, il n'est plus filmé dans sa cellule et à l'extérieur comme il l'était dans la prison française de Fleury-Mérogis.

Mélanie Vecchio avec François Blanchard