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Police-Justice

Roms et gens du voyage, un « amalgame extrêmement grave »

Tony Gatlif, réalisateur de films sur le monde gitan, invité de Bourdin Direct ce mercredi

Tony Gatlif, réalisateur de films sur le monde gitan, invité de Bourdin Direct ce mercredi - -

Invités de "Bourdin Direct" ce mercredi, le cinéaste Tony Gatlif et l’historienne Henriette Asséo, dénoncent « la réunion extrêmement grave » que N. Sarkozy doit présider sur les gens du voyage et les Roms, et expliquent l’amalgame fait entre ces populations bien distinctes.

Ce mercredi à 17h, Nicolas Sarkozy organise une réunion à l'Elysée sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Un amalgame entre deux populations pourtant bien distinctes, qui agace nombre d’associations et politiques. Invités de Bourdin Direct ce mercredi matin, le cinéaste Tony Gatlif, réalisateur de films sur le monde gitan et l’historienne Henriette Asséo, spécialiste de l’histoire des Tsiganes en Europe, ont réagi.

Tony Gatlif : « J’ai fait des films sur les Gitans, parce que justement il y avait trop de préjugés. […] Les Roms partent de leur pays parce qu’il y a une misère incroyable. Les gens du voyage regroupent les manouches, les yéniches, les gitans du sud de la France, les catalans… Ils vivent en France depuis Louis XIV, qui leur a donné la nationalité. »

« La délinquance, c’est pas un problème manouche »

La réunion organisée par le président de la République ce mercredi, censée « faire le point sur la situation de tous les départements et décidera des expulsions de tous les campements en situation irrégulière », fait suite aux événements survenus à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher : la semaine dernière, une gendarmerie avait été attaquée après le décès d'un gitan abattu par les gendarmes lors d'une course poursuite.
Mais quand on lui demande ce qu’il pense de la création d’un fichier ethnique pour savoir si, statistiquement, il y a plus de délinquance chez les manouches, Tony Gatlif « saute au plafond » : « Parce que ça me rappelle les nazis, explique-t-il. Non, il ne faut pas faire un fichier ethnique. Ils ont des papiers, ils sont en règle. Et la délinquance, c’est pas un problème manouche. Depuis cinq siècles où ils sont ici, ils n’ont jamais attaqué une seule boulangerie, aucun commissariat, aucune mairie ; c’est la première fois dans l’histoire des manouches où il y a une histoire comme ça, qui dérape. Pour moi, la délinquance est plus un fait de la société d’aujourd’hui, et dans les villes. »

« Roms et gens du voyage, un amalgame inédit »

De son côté, Henriette Asséo, précise : « Les Roms (Roumains, Bulgares, Hongrois…) sont venus en France parce qu’on leur a dit qu’il y avait la liberté de circulation en Europe et qu’ils l’ont cru. Les gens du voyage sont des Français. Le problème, c’est le mélange des deux, qui ne s’est jamais fait dans l’histoire de la France, même pendant la seconde guerre mondiale. Donc cette réunion est extrêmement grave, parce qu’elle mélange la protection que l’Etat doit à ses nationaux et la question de la circulation intra-européenne, qui n’a pas été régulée correctement par les institutions européennes et de pauvres gens en payent le prix. […] Le problème, c’est qu’il y a sur ces gens, un déferlement de haine qui n’est jamais contrôlé. Si vous parliez comme cela de n’importe quelle catégorie de Français, vous seriez passible d’une amende pour incitation à la haine raciale. Et jamais sur les gens du voyage. Mettez "Bretons", "Corses" ou "Basques" à la place, vous verrez…
Les journalistes sont assaillis par des gens qui disent "je ne veux pas à côté de chez moi un terrain de stationnement" ; c’est logique, personne n’en voudrait, dans le contexte actuel, c’est-à-dire d’une loi qui n’est pas appliquée, d’un entassement de caravanes dans des conditions défavorables. »

« Le statut spécial des gens du voyage n’a jamais été remis en cause »

Rappelant enfin le statut administratif spécial des gens du voyage depuis 1912, l’historienne ajoute : « les gens qui ont une profession itinérante doivent enregistrer leur famille, tous leurs enfants à la naissance, dans un régime administratif particulier : ils gardent la nationalité française. Ils ont une carte de circulation et un passeport, payent des impôts, font leur service militaire, mais n’ont ni carte d’identité, ni droit de vote. C’est un héritage de la politique de l’entre-deux guerres et ça n’a jamais été remis en cause. Donc, je comprends tout à fait la réaction exaspérée des gens, parce qu’on a créé une situation d’illégalité de droits de la part de l’Etat à l’égard d’une catégorie de Français.
Le problème n’est pas d’opposer les bons Français aux mauvais Français. Le problème est que l’Etat a créé une situation inextricable, qui a placé les gens dans un piège et que l’Etat doit le régler. »

Pour écouter le podcast intégral de l’interview de Tony Gatlif et Henriette Asséo, cliquez ici.
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La Rédaction