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Police-Justice

Relaxe des deux policiers dans l’affaire Zyed et Bouna: un appel est-il possible?

Les deux policiers poursuivis pour non-assistance à personne en danger après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré ont été relaxés ce lundi. L’avocat des familles des deux jeunes décédés, Me Jean-Pierre Mignard, a annoncé que celles-ci avaient décidé de faire appel. Est-ce toutefois possible?

La décision était très attendue par les familles de victimes comme par les policiers mis en cause. Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein, les deux policiers poursuivis pour non-assistance à personne en danger après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré ont été relaxés ce lundi par le tribunal correctionnel de Rennes, 10 ans après la mort des deux jeunes à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Les deux fonctionnaires de police encouraient jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.

A la sortie de l'audience, l'avocat des familles des deux jeunes décédés, Me Jean-Pierre Mignard, a aussitôt dénoncé "une décision choquante", et les avocats des familles des victimes - Me Jean-Pierre Mignard, Me Emmanuel Tordjman, Me Pierre-Emmanuel Blard - ont ensuite rapidement annoncé dans un communiqué leur intention de faire appel.

"Après dix ans de travail, nous avons accumulé un certain nombre de raisonnements, d’argumentations, où trois juges d’instructions, la chambre criminelle de la cour de cassation, la cour d’appel de Rennes avaient repris un certain nombre des éléments que nous avions développé. Il n’y a rien dans ce jugement, pas une seule ligne, qui ne reprenne la thèse des parties civiles, que je continue à appeler les victimes", a notamment pointé du doigt Me Jean-Pierre Mignard devant la presse.

Le parquet, seul à pouvoir faire appel de la relaxe

Mais est-ce toutefois possible? Comme le relève Slate, l'article 497 du code de procédure pénale dont la validité a été réaffirmée en 2014 par le Conseil constitutionnel, dispose en effet que les parties civiles peuvent faire appel "quant à [leurs] intérêts civils seulement", c'est-à-dire uniquement vis-à-vis de leurs demandes de réparation financière. Le parquet est donc le seul à pouvoir faire appel de la relaxe, mais celui-ci l'avait requise. Les parties civiles n’ont, elles, pas la possibilité. En clair, en l'absence de condamnation, aucun appel n’est possible et la bataille judiciaire se clôt définitivement sur le plan pénal.

Les familles des victimes, ainsi que le jeune rescapé, réclamaient au total près de 1,6 million d'euros de dommages et intérêts, que l’Etat aurait assumé en cas de condamnation. Or, la relaxe ayant été prononcée, l’affaire se referme simultanément sur le plan civil, comme l’explique Dominique Rizet, consultant police-justice de BFMTV. "En fait s’il y a relaxe pour les policiers, les policiers ne sont pas coupables. Il n’y a donc pas de versement d’indemnités, donc de procès au civil pour les victimes, donc pas d’argent", a détaillé l’expert sur notre antenne.

"L’appel classique ne peut pas exister"

Pourquoi Jean-Pierre Mignard a-t-il alors annoncé cet appel "devant la cour d’appel, et s’il le faut jusque devant la chambre criminelle de la Cour de cassation"? "L’appel classique ne peut pas exister", a confirmé Dominique Rizet. Mais selon notre consultant, les avocats des parties civiles pourraient essayer de faire "appel sur l’irrecevabilité de leur constitution de partie civile. Ils essaient de faire un appel, on leur dit que ce n’est pas possible, et eux trouvent des arguments pour dire que 'cette fois-ci exceptionnellement c’est possible, parce que nous avons un élément nouveau, de nature à faire naître un doute sur...'", a-t-il estimé, tout en concédant, "C’est très technique."

Jugeant que "la victime a pendant longtemps été la 'grande oubliée du procès pénal'" et que "des limitations injustifiées restreignent toujours l’exercice des droits de la partie civile durant le procès pénal”, plusieurs députés UMP s'étaient saisis de la question en 2013, déposant une proposition de loi visant à autoriser cet appel. "La situation actuelle est la cause d’une profonde souffrance morale pour les victimes. Le droit de s’exprimer et de participer à l’établissement de la vérité concourt à leur reconstruction. Il est indispensable de placer la partie civile sur un pied d’égalité avec le mis en cause", écrivaient alors les auteurs du texte.

V.R.