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Police-Justice

Radicalisation: la contrôleure des prisons contre le regroupement des détenus islamistes

Des coursives de la maison d'arrêt de Fresnes, dans le Val-de-Marne, dans l'aile réservée aux hommes, en 2011.

Des coursives de la maison d'arrêt de Fresnes, dans le Val-de-Marne, dans l'aile réservée aux hommes, en 2011. - Fred Dufour - AFP

Elle se dit défavorable au regroupement des détenus islamistes en prison, et estime même que cette mesure peut s'avérer dangereuse. Adeline Hazan, contrôleure des prisons, publie ce mardi un rapport d'enquête fouillé.

En janvier dernier, après les attentats de Paris, le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé sa décision de regrouper les détenus islamistes dans des quartiers dédiés, dans le prolongement d'une expérience menée à Fresnes depuis octobre 2014, pour éviter le prosélytisme religieux radical et favoriser la prise en charge des personnes radicalisées.

Pour mieux comprendre ce phénomène, des contrôleurs se sont rendus, de janvier à avril, dans quatre établissements de la région parisienne - Fresnes, Réau, Osny et Bois-d'Arcy - pressentis pour accueillir des unités de regroupement. Ils y ont interrogé chefs d'établissement, gardiens, détenus mais aussi des magistrats, avocats, sociologues ou membres des services de renseignement. Le résultat est effarant.

Les détenus islamistes dissimulent les signes ostentatoires

Dans ses conclusions, la contrôleure générale estime que "le regroupement des détenus radicalisés présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d'ancrage très disparates dans le processus de radicalisation". "Les difficultés d'identification des personnes visées ne sont pas résolues", souligne Adeline Hazan selon qui "la grille d'évaluation de la "dangerosité" n'est plus adaptée à l'évolution du phénomène".

La contrôleure juge ainsi "discutable" le seul critère d'une condamnation pour des faits terroristes retenu à Fresnes, où 22 détenus ont déjà été isolés. Ce critère "ne prend pas en compte les cas d'autres personnes détenues pour d'autres motifs, susceptibles d'être davantage ancrés dans un processus de délinquance", selon Adeline Hazan. Et, "depuis 2014", les comportements des islamistes en prison ont changé, souligne le rapport, selon lequel "une consigne de dissimulation semble avoir été donnée pour cesser d'arborer des signes ostensibles de fondamentalisme". 

"Souhaite-t-on un Guantanamo" en France? 

"Ce regroupement sera tout bénéfice pour les recruteurs", juge dans le rapport un fonctionnaire pénitentiaire pour qui, "si on veut vraiment les séparer, il faudrait construire un "Guantanamo". Est-ce cela que l'on souhaite?". Car "la question de la suite de leur parcours pénal doit se poser et l'une des difficultés de la mesure, c'est de savoir comment on en sort", souligne la hiérarchie pénitentiaire. 

Autre effet induit par ces regroupements en région parisienne, la coupure des détenus avec leur famille, dont tous les experts soulignent l'importance pour "les convaincre de changer de voie". Alors, plutôt qu'un regroupement, plusieurs intervenants prônent une "dispersion", une option déjà retenue en Grande-Bretagne ou en Belgique. 

A. G. avec AFP