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Qui est Sabine Khéris, la juge qui fait parler Michel Fourniret?

Des fouilles ont été menées dans l'ancienne maison de Michel Fourniret à Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes, en juin 2020.

Des fouilles ont été menées dans l'ancienne maison de Michel Fourniret à Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes, en juin 2020. - FRANCOIS NASCIMBENI

Sabine Khéris, la doyenne des juges d'instruction de Paris, a réussi à lier Michel Fourniret à plusieurs affaires criminelles. Des dernières découvertes pourraient relancer de nombreuses cold cases.

Le nom de Sabine Khéris est désormais irrémédiablement associé à celui de Michel Fourniret. La doyenne des juges d'instruction parisiens a fait avancer de nombreuses enquêtes dans lesquelles le tueur en série a admis être impliqué. Aujourd'hui, un nouvel espoir est permis pour de nombreuses familles alors qu'une dizaine d'ADN inconnus ont été découverts sur un matelas appartenant au tueur.

Cette découverte est le fruit de nouvelles demandes d'expertise sur ce matelas saisi dès 2003 dans l'ancienne maison de la soeur de Michel Fourniret à Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes. C'est déjà à partir de ces analyses que la juge a pu formellement lier le tueur en série à la disparition d'Estelle Mouzin, après que l'ADN de la fillette disparue en 2003 en Seine-et-Marne a été retrouvé par les experts sur cette fameuse pièce à conviction.

Eléments de preuve

La juge Sabine Khéris mise notamment sur des éléments de preuve pour faire avancer les différentes affaires dans lesquelles, des années après, Michel Fourniret reconnait être impliqué. Ce fut le cas dans les enquêtes sur la disparition de Joanne Parrish et Marie-Angèle Domece, en 1990 et en 1988. Ce fut également le cas dans l'enquête sur la disparition d'Estelle Mouzin qui a abouti aux confidences de Monique Olivier, l'ex-femme du tueur.

Entendue cet été par la magistrate, elle finit par reconnaître que Michel Fourniret a enlevé le 9 janvier 2003 Estelle Mouzin à Guermantes, en Seine-et-Marne, puis l'a séquestrée dans sa maison de Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes, où il l'a violée et étranglée.

"La juge Khéris a mis les moyens que nous attendions depuis 17 ans au service de la recherche de la vérité, estime Me Didier Seban, avocat de plusieurs familles de victimes du tueur. Elle a commencé par faire ce travail que nous demandions, c’est-à-dire comprendre la personnalité de Michel Fourniret et de Monique Olivier, l’inscrire dans la série criminelle."

Des aveux dans d'autres dossiers

Pour l'affaire Mouzin, le dossier d'instruction arrive sur le bureau de la juge Sabine Khéris au milieu du mois de septembre dernier, après que la Cour de cassation a validé la demande de dépaysement de l'affaire du tribunal de Meaux à Paris formulée par les avocats du père d'Estelle Mouzin. Elle devient alors la huitième juge à prendre en main les 85 tomes de l'affaire Mouzin, et organise des auditions avant de nouvelles fouilles en juin dernier.

Cette décision est logique, puisque la magistrate a réussi à faire parler un an plus tôt Michel Fourniret sur deux autres affaires criminelles. En février 2018, Michel Fourniret, alors condamné pour le meurtre de sept jeunes filles, reconnaît son implication dans la disparition de Marie-Angèle Domece en juillet 1988 et la mort de Joanna Parrish, une jeune Anglaise, en mai 1990. Deux affaires pour lesquelles Monique Olivier l'avait dénoncé à deux reprises avant de se rétracter.

"Mise en confiance"

Lors de l'arrestation de Michel Fourniret en 2004, c'est déjà Monique Olivier, qui au bout de 120 interrogatoires, finit par l'incriminer pour huit crimes. Une stratégie gagnante appliquée depuis par la juge Khéris qui, dans chaque dossier, a d'abord auditionné l'ancienne femme du tueur. En véritable "maître des horloges" qu'il souhaite être, selon les proches de ce dossier, le tueur en série reprend ainsi la main lorsqu'il livre ses aveux. Réussira-t-elle désormais à lui faire dire où est enterré le corps d'Estelle Mouzin?

"Elle a su les mettre en confiance, expliquait au Parisien Me Richard Delgenes, l'avocat de Monique Olivier. Elle et sa greffière s'adressent avec respect à ma cliente, ce qui est vital pour l'amener vers la vérité."

Pour en arriver à ces résultats, Sabine Khéris a beaucoup travaillé pour comprendre et connaître le tueur, ce qu'apprécie Michel Fourniret. "Elle a aujourd'hui les éléments, estime Me Didier Seban. Michel Fourniret tient toujours le même discours en disant 'si vous travaillez, je vous aiderai, si vous ne travaillez pas, je ne vous aiderai pas'. C'est le comble de la perversité. Là, la justice, les services d’enquête ont travaillé, ils ont refait le parcours jour par jour de Michel Fourniret, inscrit toutes ses dépenses, tous ses achats, tous ses appels dans un immense planning."

Une habituée des dossiers sensibles

Outre sa gestion des dossiers d'instruction concernant Michel Fourniret, l'expérience de Sabine Khéris, magistrate très discrète, pour les affaires sensibles, parle pour elle. En 2014, contre l'avis du parquet, la juge d'instruction, arrivée deux ans aupravant au tribunal de Paris, décide du renvoi de la présidente du Syndicat de la magistrature dans l'affaire dite du "Mur des cons".

En février 2016, c'est elle aussi qui prononce le renvoi de trois anciens ministres, Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier devant la Cour de justice de la République dans l'enquête sur le bombardement de Bouaké, en Côte-d'Ivoire, qui a causé la mort de neuf soldats français en 2004.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV