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Police-Justice

Quatre Femen jugées pour "exhibition sexuelle"

Quatre militantes féministes arrivent au tribunal correctionnel de Paris pour y comparaître pour "exhibition sexuelle" lors de deux actions menées la poitrine dénudée, le 31 mai 2017

Quatre militantes féministes arrivent au tribunal correctionnel de Paris pour y comparaître pour "exhibition sexuelle" lors de deux actions menées la poitrine dénudée, le 31 mai 2017 - PATRICK KOVARIK, AFP

Quatre Femen étaient jugées à Paris pour "exhibition sexuelle", pour avoir manifesté deux fois seins nus, en octobre et en novembre 2016 à Paris.

Quatre militantes féministes ont comparu mercredi au tribunal correctionnel de Paris pour "exhibition sexuelle" lors de deux actions menées la poitrine dénudée fin 2016: une accusation "archaïque" pour les Femen, un délit qui mérite répression selon le parquet.

"Je considère que mon torse n'est pas obscène, ce qui est obscène, c'est le patriarcat et l'homophobie. Je ne suis pas une criminelle, j'utilise mon corps à des fins politiques: je suis féministe", a déclaré à la barre Sophia Antoine, une des militantes.

Toutes les quatre sont poursuivies par le parquet pour avoir manifesté à Paris, seins nus et peints, le 16 octobre 2016, contre les opposants au mariage homosexuel en marge de la Manif pour tous. Trois Femen sont également jugées pour avoir tenté de se menotter aux grilles du Palais de justice le 25 novembre en signe de solidarité avec Jacqueline Sauvage, dont une demande de libération venait d'être rejetée.
Rassemblement de Femens devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris
Rassemblement de Femens devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris © STRINGER, AFP

"Hypocrisie pure et simple"

Le procureur, pour qui "il n'a jamais été question de contester un engagement ou la liberté de manifester", a demandé "l'application de la loi" qui considère que "l'exhibition de la poitrine de la femme est une exhibition sexuelle".

Il a requis une peine de 50 jours-amende à 10 euros (soit 500 euros) à l'encontre de chacune des militantes pour leur action du 16 octobre et une peine similaire pour les trois poursuivies pour leur manifestation du 25 novembre.

Les avocats des jeunes femmes se sont dits choqués par des poursuites et des réquisitions "contre le féminisme" et contre une "liberté d'expression utilisée aussi au nom de l'intérêt général".

"Utiliser le corps des femmes à des fins commerciales, c'est oui, l'utiliser à des fins politiques, c'est non", a déploré Me Valentine Reberiaux, dénonçant une "hypocrisie pure et simple".

Rassemblement de féministes devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris
Rassemblement de féministes devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris © PATRICK KOVARIK, AFP

"Les droits des femmes et des minorités ne sont jamais acquis"

À la présidente qui demandait pourquoi elles ne se contentent pas de manifester "avec des pancartes", les Femen ont répondu que c'était "par principe": "Aujourd'hui, un homme qui utilise son corps à des fins politiques n'est pas poursuivi, une femme si", a dit Sophia Antoine, rappelant une manifestation d'hommes entièrement nus, venus revendiquer des droits devant la ministre de la Culture et qui n'avait donné lieu à aucune poursuite.

"Nous sommes là pour rappeler que les droits des femmes et des minorités ne sont jamais acquis", a ajouté Lola Vernot-Santamaria.

Rassemblement de Femens devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris
Rassemblement de Femens devant le palais de justice où quatre militantes sont jugées pour "exhibition sexuelle", le 31 mai 2017 à Paris © STRINGER, AFP

"Incapable de dire ce qu'on leur reproche"

Les irruptions des Femen, seins nus, lors de manifestations, les ont déjà menées à plusieurs reprises au tribunal. Elles ont été plusieurs fois relaxées du délit d'exhibition sexuelle, à Lille ou à Paris. Mais la jurisprudence est plus fluctuante en appel, avec des décisions différentes en janvier et février 2017, l'une exigeant, pour caractériser l'exhibition, d'avoir "conscience d'offenser la pudeur", et l'autre imposant une "intention sexuelle". La Cour de Cassation, saisie, devra trancher.

"En attendant, on est incapable de dire ce qu'on leur reproche", a affirmé Me Reberiaux, rappelant "l'importance des circonstances". "La dernière fois qu'on a condamné définitivement une femme pour exhibition sexuelle, c'était en 1965 à Cannes, contre une femme qui jouait torse nu au ping-pong. De toute évidence, a-t-elle ajouté, c'est le mouvement et pas la nudité qui posait problème".

Le jugement a été mis en délibéré au 28 juin.

G.D. avec AFP