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Procès

Jugé à partir de ce mardi, le "tueur de DRH" va-t-il expliquer sur ses actes?

Une policière et des membres des services de secours devant une agence Pôle Emploi de Valence où une conseillère a été tuée, le 28 janvier 2021

Une policière et des membres des services de secours devant une agence Pôle Emploi de Valence où une conseillère a été tuée, le 28 janvier 2021 - PHILIPPE DESMAZES © 2019 AFP

Gabriel Fortin, surnommé "le tueur de DRH", est jugé à partir de ce mardi devant la cour d'assises pour avoir assassiné trois femmes, deux DRH et une conseillère Pôle Emploi, en Alsace et Ardèche en janvier 2021.

Pour les parties civiles, il y a "la nécessaire compréhension du passage à l’acte de Gabriel Fortin". Depuis son placement en garde à vue et lors de ses différentes auditions devant les enquêteurs, les médecins, le juge d'instruction, l'homme aujourd'hui âgé de 47 ans, surnommé "le tueur de DRH" pour avoir tué deux directrices des ressources humaines et une conseillère Pôle Emploi, a toujours gardé le silence.

Va-t-il livrer des explications alors que son procès s'ouvre ce mardi devant la cour d'assises de la Drôme?

Le 26 janvier 2021 en fin d'après-midi, Estelle L., 39 ans, DRH, est tuée par balles dans sa voiture, sur le parking de l'entreprise Knauf, dans la petite ville de Wolfgantzen, dans le Haut-Rhin. Le même jour, à Wattwiller, un cadre qui se révèle être l'un de ses anciens collègues dans une entreprise d'Eure-et-Loir entre 2006 et 2008, est agressé chez lui. Un homme portant un masque anti-covid le blesse par balle et réussit à s'enfuir.

500 km entre les deux scènes de crime

Moins de deux jours plus tard, le 28 janvier un peu après 8h30, Patricia P., 53 ans, cadre dans une agence Pôle Emploi de Valence, est abattue par un homme au visage masqué. Un témoin relève la plaque d'immatriculation de la voiture utilisée par le tireur.

Quelques minutes plus tard, le même homme parcourt la courte distance qui le sépare de Guilherand-Granges en Ardèche, où Géraldine C., responsable des ressources humaines de Faun Environnement, est à son tour abattue dans les locaux de l'entreprise. Gabriel Fortin est interpellé dans sa voiture quelques instants plus tard, sa plaque d'immatriculation repérée par des policiers.

L'enquête démontre rapidement que les deux premières victimes ont travaillé ensemble et ont toutes deux participé au licenciement pour "faute" de Gabriel Fortin en septembre 2006. Géraldine C., elle, avait participé à un de ses entretiens préalables de licenciement, fin 2009 dans une entreprise spécialisée dans les camions-poubelles. Concernant la victime de Pôle Emploi, le lien est moins tangible, il n'a pas pu être démontré que Gabriel Fortin connaissait Patricia P.

"Paranoïaque", "vie brisée"

Socialement isolé, cet ingénieur discret, amateur de tir sportif, vivait depuis le chômage comme une injustice. "La peur doit changer de camp", avait-il écrit dans un document retrouvé sur un ordinateur du suspect. Dès les premiers jours d'enquête, le parquet avait souligné la préméditation des actes qui semblent minutieusement préparés: Gabriel Fortin nourrissait une rancœur tenace et ne supportait pas la déchéance sociale associée à ses licenciements, selon les éléments recueillis par les enquêteurs.

À des médecins, il confiera - l'une de ses seules explications - qu'il préférait la détention à la déchéance sociale. Pour les experts psychiatres, si Gabriel Fortin montre une tendance "paranoïaque", il n'y a pas trouble mental. On a plutôt affaire à "un homme intelligent" en situation d'isolement social, apparemment sans relation sentimentale, visiblement "blessé par des rejets insupportables de la part du seul milieu qu'il pensait pouvoir lui procurer une place sociale".

Dans de rares messages écrits au juge d'instruction au début de son incarcération, Gabriel Fortin évoque une "vie brisée" que ne réparent pas les indemnités chômage.

Des questions sans réponse

Les parties civiles redoutent que Gabriel Fortin refuse de comparaître. Et s'il est présent, qu'il s'obstine à garder le silence. Pourtant, de nombreuses questions restent aujourd'hui en suspens. Pourquoi s'être attaquée à une conseillère de Pôle Emploi qu'il n'avait jamais rencontrée?

"Pôle Emploi était aussi l'ennemi qu'il faut abattre. Derrière l'institution, il y a une femme en chair et en os, qui se trouvait dans le mauvais bureau", au moment où le tueur pénètre dans l'agence valentinoise, rappelle Me Denis Dreyfus, qui représente l'époux et les filles de Pascale P.

Gabriel Fortin comptait-il faire d'autres victimes s'il n'avait pas été interpellé? Plus de 24 heures s'écoulent, entre l'Alsace et la Drôme, alors que les scènes de crime sont distantes d'environ 500 km. Le tueur avait-il d'autres cibles? Des notes de repérages retrouvées au cours de l'enquête semblent le suggérer. Il a notamment mené des recherches sur Internet et effectué des repérages en région parisienne, avec au moins trois autres cibles présumées dans son collimateur: deux avocats et un flirt adolescent.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier avec AFP Journaliste police-justice BFMTV