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Police-Justice

Procès Fiona: 30 ans de réclusion requis contre Cécile Bourgeon et son ex-compagnon

Le dossier Fiona dans la cour d'assises d'appel du Rhône à Lyon, le 4 décembre 2020

Le dossier Fiona dans la cour d'assises d'appel du Rhône à Lyon, le 4 décembre 2020 - JEFF PACHOUD © 2019 AFP

Les deux accusés sont jugés en appel pour leur rôle dans la mort de la fillette de cinq ans, dont le corps n'a jamais été retrouvé, en 2013.

Le ministère public a requis mardi 30 ans de réclusion contre Cécile Bourgeon, la mère de Fiona, morte en 2013 à l'âge de cinq ans, et son ex-compagnon Berkane Makhlouf, lors d'un nouveau procès en appel devant les assises du Rhône.

Selon l'avocat général Joël Sollier, "il y a de fortes probabilités que Berkane Makhlouf - condamné à 20 ans de prison en première instance - ait porté les coups fatals" à la fillette.

Mais, selon lui, "nous avons toutes les preuves de la complicité de Cécile Bourgeon", dont ce quatrième procès a souligné la personnalité "caméléon" et le manque d'affect.

"Le complice puni comme l'auteur principal"

Le magistrat a rappelé qu'en droit, "le complice est puni comme l'auteur principal du crime", tandis que la mère de Fiona avait été condamnée à cinq ans d'emprisonnement en 2016, notamment pour dénonciation mensongère et non assistance à personne en danger. Aujourd'hui, elle comparaît libre après avoir purgé sa peine.

"Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf ont exercé tous deux des maltraitances (...) Ils ont tué cette enfant", a assuré Joël Sollier dans son réquisitoire, demandant aux jurés de "mettre fin à cette association de la ruse et de la rage".

Il a également écarté "l'argument de l'emprise" invoqué par la défense de Cécile Bourgeon, et s'est inquiété du "risque de réitération des faits" qui n'a pas été écarté par les experts.

Un faux enlèvement

Le couple, toxicomane à l'époque, avait signalé la disparition de Fiona le dimanche 12 mai 2013 au soir, faisant croire à un enlèvement dans un parc de Clermont-Ferrand.

Quatre mois plus tard, la mère de Fiona avait fini par avouer que sa fille était décédée après un coup mortel porté selon elle par son ex-compagnon et qu'ils l'avaient enterrée près d'un lac. Le corps n'a jamais été retrouvé.

S'en est suivi un feuilleton judiciaire jusqu'à un arrêt de la Cour de cassation en février 2019 qui a renvoyé l'affaire en appel devant les Assises de Lyon.

Dans sa plaidoirie, Me Renaud Portejoie a exhorté les jurés à ne pas juger Cécile Bourgeon "coupable parce qu'elle a menti et ne sait pas où se trouve le corps de sa fille".

"Pas de certitude, pas de preuve"

"Il n'y a pas de certitude, pas de preuve, pas de démonstration de sa culpabilité" concernant les coups qu'elle aurait pu porter à Fiona, a-t-il rappelé. "Dans le doute, on s'abstient. Cela fait sept années que nous nous battons pour consacrer ce doute", a insisté Me Portejoie.

Selon lui, une seule charge peut être retenue contre sa cliente, "sa parole tardive".

Pour Me Jean-Félix Luciani, "défendre Berkane Makhlouf, c'est défendre un homme seul", incarcéré depuis 7 ans à l'isolement.

"C'est défendre un homme contre tous les préjugés (...), un toxicomane lourd, avec une enfance déstructurée. C'est un coupable par défaut car il faut bien un coupable dans la disparition d'une enfant de 5 ans", a plaidé l'avocat.

De fait, a poursuivi Me Luciani, "ce qu'on a contre lui, c'est son passé et la parole de Cécile Bourgeon". Mais "pourquoi sa parole vaut-elle moins que celle de Cécile Bourgeon ?", s'est-il interrogé. "La justice, ce n'est pas mettre des éléments dans un puzzle déterminé à l'avance".

"Prendre en compte la part d'incertitude"

"Je vous demande de prendre en compte la part d'incertitude dans ce dossier. Je vous demande de l'acquitter des coups mortels", a lancé Me Luciani à l'adresse des jurés.

En marge de l'audience, Nicolas Chafoulais, le père de Fiona et de sa petite sœur Eva, a confié à l'Agence France-Presse (AFP) "souhaiter, pour Eva, que Cécile Bourgeon retourne en prison. Pour que ma fille continue à aller bien et ne soit pas forcée de reprendre contact avec elle".

"Pourquoi accorde-t-on plus de poids à elle qu'à Berkane Makhlouf ? Parce qu'il est maghrébin, qu'il a un casier judiciaire ? Parce qu'elle est plus maligne ?", s'est-il ému.

L'avocat général a réclamé à l'encontre de Berkane Makhlouf une peine de sûreté des deux tiers, ainsi qu'un suivi socio-judiciaire pour les deux accusés.

Joël Sollier a également demandé à la cour de prononcer le retrait de l'autorité parentale de Cécile Bourgeon pour ses trois enfants et pour Berkane Makhlouf pour leur fils commun.

Le verdict est attendu mercredi.

F.B. avec AFP