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Police-Justice

Procès du Mediator: mode d'emploi pour les victimes

Le Mediator est accusé d'avoir fait entre 500 et 2000 morts.

Le Mediator est accusé d'avoir fait entre 500 et 2000 morts. - FRED TANNEAU, AFP/Archives

Le procès du Mediator, cet adjuvant au régime adapté chez les diabétiques dont l'utilisation a été détournée comme coupe-faim, s'ouvre dans deux mois. Un procès pour tromperie qui s'annonce déjà hors norme ne serait-ce que par le nombre de victimes, qui pourrait s'élever à plus de 4000. Des victimes qui doivent se faire connaître auprès de la justice.

On le présente comme le plus grand scandale médical depuis l'affaire du sang contaminé. A partir du 23 septembre prochain commencera le procès du Mediator, ce médicament, adjuvant au régime chez les diabétiques en surpoids détourné comme coupe-faim. Ce procès devant le tribunal correctionnel de Paris du Mediator, accusé d'avoir provoqué la mort de 500 à 2000 personnes, s'annonce d'ores et déjà hors normes tant par l'ampleur du dossier que par la durée - plus de six mois d'audience prévus - et le nombre de victimes.

Près de 4000 parties civiles - c'est-à-dire une personne demandant la réparation d'un préjudice - sont attendues. 14 prévenus et 11 personnes morales, dont les laboratoires Servier, sont poursuivis notamment pour "tromperie aggravée", "escroquerie" et "homicides et blessures involontaires".

Dans le volet judiciaire pour "tromperie aggravée", elles estiment avoir été flouées du fait de la mise sur le marché et du maintien de la commercialisation du Médiator, qu'on leur a menti sur la composition du médicament ou ses effets indésirables. D'autres victimes pourraient encore se manifester, jusqu'en 2009, le Mediator a été prescrit à cinq millions de personnes. 

> Qui peut se constituer partie civile dans le procès du Mediator?

"Tous ceux qui ont pris du Mediator, c'est-à-dire les victimes et les ayant-droits des victimes", résume Me Emilie Chandler, dont le cabinet représente des centaines de parties civiles.

Actuellement, les personnes qui ont porté plainte dans le volet pénal de cette affaire reçoivent leur citation à comparaître, c'est-à-dire à venir se présenter devant le tribunal pour le procès à partir du 23 septembre prochain. Leur plainte a donc été jugée recevable par la justice.

"Un certain nombre de plaintes a été jugé irrecevable, souvent car elles n'apportent pas la preuve qu'elles ont consommé du Mediator", poursuit l'avocate. "Les personnes peuvent toujours se constituer partie civile et faire reconnaître leur qualité de victime." 

Toutefois, elles ne peuvent que dénoncer des faits de tromperie. Cela concerne les personnes qui avaient porté plainte pour dénoncer un préjudice corporel provoqué par le Mediator. Lors de l'information judiciaire, les juges d'instruction ont réclamé des expertises qui n'ont pas permis d'attester de liens entre la pathologie dont souffrent ces victimes et le médicament. Désormais, elles ont la possibilité de faire reconnaître un préjudice moral causé par une tromperie.

> Quelles preuves apporter pour faire reconnaître son statut de victimes?

Les personnes ayant pris du Mediator et voulant faire reconnaître leur statut de victime doivent justifier le fait de s'être vu prescrire cette molécule. "Les victimes doivent pouvoir alléguer avoir consommé du Mediator pendant au moins 2 ou 3 mois", détaille Me Charles-Joseph Oudin, avocat de plusieurs victimes du Mediator.

Pour cela, il faut fournir à la justice les ordonnances de médecins ayant prescrit le médicament ou encore la présentation des relevés de sécurité sociale où il est inscrit le remboursement du médicament. Des documents compliqués à se procurer alors que les premières alertes sur le Mediator remontent aux années 1990 et que la première recommandation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) date de 2007. Le Mediator sera interdit de vente en France en 2009, 11 ans après la Suisse, 6 ans après l'Espagne. 

> Quelles démarches faut-il réaliser pour se constituer partie civile?

Les personnes qui voudraient se constituer parties civiles peuvent le faire seule, ou passer par l'intermédiaire d'un avocat. Elle peuvent le faire jusqu'au réquisitoire du parquet de Paris qui interviendra à la toute fin du procès. La demande doit se faire par écrit auprès du tribunal pour faire constater son préjudicie et énoncer une demande d'indemnisation. "La loi prévoit que les victimes peuvent se présenter seule, en réalité y aller seul c'est hasardeux, périlleux", estime Me Charles-Joseph Oudin.

"C'est un dossier très compliqué", abonde Me Emilie Chandler. "L'évaluation du préjudice est également quelque chose de compliqué pour des victimes qui découvrent le fonctionnement de la justice." 

> Les victimes doivent-elles assister à l'intégralité du procès?

Non, les personnes se constituant partie civile pour obtenir une réparation n'ont pas l'obligation d'être présentes tous les jours au procès qui doit durer 6 mois. Dans ce dossier tentaculaire, de nombreux points ne concerneront pas les victimes du Mediator, elles peuvent donc faire le choix de se faire représenter par un avocat. Certains d'entre eux se sont déjà engagés à assister à l'intégralité des audiences.

"Nous avons commencé à prévoir un roulement pour que des victimes puissent venir assister et s'exprimer devant le tribunal", détaille Me Charles-Joseph Oudin. "Notre souhait c'est que ce procès ne soit pas un procès sans victime."

> Qu'est-ce que les victimes peuvent obtenir pour réparer leur préjudice moral?

De l'euro symbolique à plusieurs milliers d'euros, selon les avocats interrogés. Le dossier du Mediator a une coloration spécifique car les prévenus sont accusés d'avoir menti sur un produit de santé qui a exposé les consommateurs à un danger de mort. Cette pratique a été associée à d'autres pratiques délictuelles et ce dans le but de se faire de l'argent, dénoncent les victimes.

Justine Chevalier