Prisons surpeuplées : faut-il cesserd’« incarcérer à tout va » ?
Au 1er juillet de cette année, 73 320 personnes étaient placées sous écrou, soit 6,8% de plus qu'en juillet 2010. Et comme certains condamnés bénéficient d'un aménagement de peine, il y a effectivement en prison 64 726 personnes détenues, pour 56 000 places. Et dans certaines prisons, la surpopulation atteint 150% à Villepinte (Seine-Saint-Denis) ou plus de 220% à la Roche-sur-Yon (Vendée).
Les placements sous écrou ont augmenté notamment depuis l'affaire dite de Pornic, où Tony Meilhon, en état de récidive, a été mis en cause dans le meurtre de la jeune Laetitia Perrais.
Suspendre les incarcérations en août ?
A tel point que le 25 juillet, le procureur de Dunkerque a demandé aux services de police dans une circulaire de suspendre les incarcérations au mois d'août ; sauf pour les violences sexuelles et violences en récidive sur conjoints et enfants. Une première aussitôt réprimandée par la chancellerie et le procureur a dû s'incliner.
« Une situation explosive… »
Inquiet, François Besse, membre de l'Observatoire International des Prisons (OIP), dénonce les « consignes du gouvernement » : « Depuis quelques années, on a une politique qui crée de l’incarcération à tout va : quel que soit le délit, la réponse c’est la prison. Ça n’a plus aucun sens à l’heure actuelle et les gens sortent de prison dans un état bien pire que lorsqu’ils sont rentrés. On a eu des consignes très claires du gouvernement, données au procureur de Dunkerque tout récemment : quelle que soit l’indignité des conditions de détention, on incarcère à tout va. On est de plus en plus dans une situation explosive ; on ne sait pas où ça va s’arrêter ».
« Mieux vaut une prison surpeuplée que des gens qui ne font pas leur peine »
Mais pour Jean-Paul Garraud, député UMP de la Gironde et secrétaire national à la justice pour l'UMP (membre de la droite populaire), « il faut continuer à incarcérer, à partir du moment où ça a été prononcé par une juridiction. Je préfère un établissement surpeuplé momentanément à des individus qui ne font jamais leur peine, poursuit-il. Il faut que notre gestion pénitentiaire soit plus adaptée pour éviter ces situations de crise. On met en place des transfèrements, pour alléger certains établissements surpeuplés ; il peut y avoir 2 ou 3 détenus dans une même cellule, mais c’est très exceptionnel ».
« Mettre des matelas par terre, c’est pas l’idéal »
Michel Beuzon, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière-Direction, syndicat majoritaire des directeurs de prison. Il dirige le centre pénitentiaire des femmes de Rennes. Que constate-t-il sur place ? « Des flux de plus importants en détention, de plus en plus de dangerosité ; 2011 étant l’année où il y a eu le plus d’agressions des personnels de surveillance. Nous souhaitons qu’il y ait un numéro exclusif : tant de places en prison, on y met tant de personnes. Nos collègues directeurs d’hôpitaux gèrent en fonction du nombre de lits. Le mois dernier, j’ai encore dû mettre des matelas par terre ; c’est pas l’idéal ».