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Police-Justice

Prêtre tué en Vendée: le frère de la victime assure à BFMTV ne pas avoir "de haine" pour le meurtrier présumé

Le frère du père Olivier Maire, le prêtre retrouvé tué lundi dans les locaux de la congrégation dont il avait la responsabilité à Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée, s'est confié ce mardi à BFMTV. Il a relayé et martelé le message de fraternité qui soutenait la vocation de la victime.

Lundi matin, l'homme soupçonné d'avoir incendié la cathédrale de Nantes le 18 juillet 2020 est venu trouver les gendarmes de Mortagne-sur-Sèvres en Vendée, s'accusant d'avoir tué le prêtre Olivier Maire. Dans la foulée, le corps de l'ecclésiastique était découvert dans les locaux de la congrégation dont il avait la responsabilité en tant que supérieur provincial: la communauté des frères Montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Il s'agissait là du point final et tragique d'une existence de soixante ans, dédiée à la prêtrise au long des trente dernières, après une ordination en 1990. Ce mardi, Jérôme Maire, le frère de la victime s'est confié à notre antenne.

Auprès de BFMTV, il a tenu à relayer, à marteler le message de sa famille, qui était aussi le cœur de la vocation du défunt: non, elle n'a "pas de haine" pour l'assassin présumé et au contraire "prie" pour lui.

Une histoire de famille

En s'entretenant - loin de toute caméra conformément à son choix - avec nous, Jérôme Maire parle d'abord d'une fratrie. Il y avait Olivier, lui-même et un second jumeau. Leurs parents sont aujourd'hui âgés respectivement de 85 ans pour sa mère et de 87 ans pour son père. Ce sont d'ailleurs eux qui lui ont fait part, les premiers, du malheur qui leur tombait dessus. ''Mes parents m’ont prévenu, sur mon lieu de travail, et un médecin du SAMU nous a appelé pour nous dire qu’Olivier était décédé, certainement suite à une agression", dépeint Jérôme.

La cohésion au sein de cette famille établie à Besançon saute aux oreilles au fil du témoignage de cet homme en deuil. Ainsi, "tout ce que" Jérôme Maire sait de la dernière soirée de son frère c'est "qu'il participait à un concert d'orgues" - un instrument que ce passionné de musique avait mis au centre de sa vie - et a "appelé (ses) parents avant le récital, pour leur dire qu’il allait rentrer tard". "Il appelait mes parents tous les soirs", complète notre interlocuteur.

"La première réaction, c'est le choc"

Quant à sa "première réaction" en apprenant la mort d'Olivier, Jérôme Maire parle du "choc", enchaînant: "Je suis arrivé rapidement chez mes parents, j’ai appelé la congrégation, qui m’a dit qu’il n’y avait pas d’informations. J’ai dit a mon papa qu’on allait regarder sur internet. C’est la que j’ai vu 'Un prêtre assassiné, Gérald Darmanin va se rendre sur place'".

Le ministre de l'Intérieur les a contactés sans tarder, d'ailleurs, dès lundi après-midi, comme la gendarmerie de Besançon qui leur a proposé son soutien psychologique. Il souligne que Gérald Darmanin a su trouver "les mots" à l'heure de s'adresser à ses parents: "Il a trouvé les mots justes pour mes parents. Si mes parents le souhaitaient, monsieur Darmanin a proposé de leur laisser son numéro de téléphone pour de plus amples informations".

Retenir la "vision" de la victime plutôt que la "polémique"

Jérôme Maire insiste. Son frère "n'aimait pas la polémique". Et celle-ci n'a pas manqué de se soulever. Droite et surtout extrême droite ont fustigé l'équation judiciaire à l'origine du crime, évoquant, à l'instar de Marine Le Pen, une "faillite" de l'État. L'assassin présumé, Emmanuel Abasiyenga, venu du Rwanda, avait été débouté du droit d'asile. Déjà soupçonné d'avoir mis le feu le 18 juillet 2020 à la cathédrale de Nantes, il avait été placé en détention provisoire - dont il était sorti le 31 mai dernier - et se trouvait en pleine procédure pénale. L'attente de son procès, et le contrôle judiciaire auquel il était donc astreint, a empêché son départ du territoire.

C'est d'ailleurs après le feu de la cathédrale et la sortie de prison de l'incendiaire présumé que les routes du Rwandais et du supérieur provincial de la communauté des frères Montfortains se sont croisées. Le père Olivier Maire a décidé de l'accueillir au sein de sa congrégation, et l'a hébergé à nouveau, à compter du 29 juillet dernier, après un séjour en psychiatrie d'Emmanuel Abasiyenga. "Mon frère était quelqu’un d’humble, qui était la pour tendre les bras, pour accueillir les marginaux, comme la personne qui a fait l’acte…", relève Jérôme Maire. Celui-ci poursuit:

"J’aimerais qu’on retienne la vision de mon frère Olivier: accueillir tout le monde. Chacun sa personnalité. Tout le monde a un coté positif, ou négatif, mais garder le côté positif. Olivier disait tout le temps: 'Quand on reçoit les gens, on ne se demande pas ce qu’il a fait de mal, on se demande ce qu’il a fait de bien. Voilà, c’était ça mon frère'".

"Dans la famille, nous n’avons pas de haine pour cette personne. On prie pour lui et pour mon frère", nous confie-t-il encore. Sa voix se brise. Il reprend:

"Mes parents ont dit simplement: 'On ne reverra plus jamais Olivier, on sait que son corps va être autopsié'. C’est dur de voir les images de mon frère à la télé. On a de la chance, on le voit sourire. C’était sa vie. On a aucun jugement sur ce qui a été fait. Simplement, on se dit que c’est une vie qui se termine tôt. Il avait certainement d’autres projets pour les gens."

"On voudrait savoir s'il a souffert"

Un homme de projets mais aussi un homme de peu de mots. Il en avait cependant touché deux ou trois à ses parents en ouvrant sa porte à cette ouaille particulière, soupçonné d'avoir voulu transformer la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul en brasier. "Il avait dit à mes parents qu’il avait accueilli une personne immigrée. Sans leur dire qu’il s’agissait de la personne qui avait incendié la cathédrale de Nantes. Il était toujours très discret, toujours tres disponible pour les personnes", commente Jérôme Maire.

"On voudrait savoir ce qu’il s’est passé, surtout savoir si il a souffert ou pas. Mes parents sont très tristes. Mais pas de jugement ni de vengeance, on en parle pas. Olivier est décédé dans sa fonction. C’était son sacerdoce", dit-il encore.

Un appel sacerdotal que la victime a entendu il y a longtemps. Pas loin de six décennies. "Mes parents, ma famille... On est des catholiques pratiquants. On allait a la messe tous les dimanche. Mon frère a eu cette vocation tout petit. Un appel de Dieu, quand on était tout petit... il nous disait déjà la messe à la maison, il nous confessait".

Enterré à Saint-Laurent-sur-Sèvre

Après son ordination en 1990, Olivier Maire a chaussé des semelles de vent, enchaînant missions et voyages: en Ouganda, pendant plusieurs années, à Rome pendant six ans. Haïti est frappé par un séisme en 2010? Il se rend sur place.

Il s'était finalement fixé à Saint-Laurent-sur-Sèvre, lié notamment par ses responsabilité au sein de son ordre des Montfortains. Et si Jérôme Maire pense que "l’archevêque de Besançon va certainement rentrer en contact avec" la famille pour faire "quelque chose à la cathédrale" de la ville, il tranche: "Olivier voulait etre enterré à Saint-Laurent-sur-Sèvre, comme les pères Montfortains. Il sera inhumé là bas, on ne sait pas quand".

Matthias Tesson, avec R.V.