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Police-Justice

Pourquoi l'affaire Tapie n'est pas encore terminée

Malgré la décision de la Cour de cassation, jeudi, de valider l'annulation de l'arbitrage qui avait octroyé plus de 400 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008, l'homme d'affaires n'est pas encore obligé de rembourser ces sommes.

C'est un nouveau rebondissement dans une affaire vieille de plus de 20 ans. Jeudi, la Cour de cassation a validé l'annulation de l'arbitrage qui avait octroyé 404 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008, dans le cadre de son litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas. Plus précisément, la Cour de cassation valide une décision de la Cour d'appel de Paris du 17 février 2015, qui avait annulé la sentence rendue par trois arbitres à cause des liens étroits entre l'un d'eux et l'homme d'affaires.

Conséquence de cet arrêt de la Cour de cassation, l'arbitrage de 2008 est bel et bien annulé. 

"Il faut définitivement considérer cette sentence comme frauduleuse, donc elle disparaît définitivement du paysage de l'ordre juridique français, explique Romain Dupeyré, avocat spécialiste en droit de l'arbitrage, sur le plateau de BFMTV. Bernard Tapie ne pourra plus jamais se prévaloir de cette sentence arbitrale".

Pas de remboursement immédiat

Mais cela ne signifie pas que "l'affaire Tapie" est désormais close, et l'homme d'affaires n'a pas non plus à rembourser les 404 millions d'euros, en tout cas pour le moment. Il reste en effet plusieurs recours à l'ancien ministre de la Ville, comme le rappelle son avocat, Frédéric Thiriez, au micro de BFMTV.

"Le combat continue, on ne va pas se laisser intimider", assure l'avocat. "La partie est loin d'être finie. On a peut-être perdu une petite bataille aujourd'hui mais on n'a pas perdu la guerre. Elle va continuer, d'abord avec le deuxième pourvoi en cassation que nous avons lancé contre le deuxième arrêt de la Cour d'appel, et surtout par des procédures devant la Cour européenne des Droits de l'Homme."

Le conseil et son client attendent désormais une autre décision de la Cour de cassation sur un autre arrêt de la Cour d'appel de Paris. En plus d'invalider l'arbitrage en février 2015, celle-ci avait en effet condamné en décembre de la même année les sociétés du couple Tapie à rembourser les 404 millions d'euros perçus. La décision est attendue dans les prochains mois.

Ses sociétés protégées des saisies par huissiers

Par ailleurs, quatre jours avant le premier arrêt de la Cour d'appel de Paris, Bernard Tapie avait confié ses actifs de deux de ses sociétés à un administrateur judiciaire, dans le cadre d'une procédure de sauvegarde. Aucun de ces actifs ne peut donc pour le moment être saisi. Le tribunal de commerce de Paris avait accédé à cette demande tout à fait légale de l'homme d'affaires, qui expliquait alors que les décisions de justice à venir pouvaient mettre en danger le bon fonctionnement de ses entreprises.

À l'époque, l'homme d'affaire avait assuré dans Le Monde que cette opération n'était "pas une manière de fuir ou d’organiser [son insolvabilité]", mais la seule manière pour [lui] de dormir tranquille, tout comme [ses] créanciers, d’ailleurs". Un pourvoi en cassation ne suspend en effet pas la décision de justice contestée, et les huissiers pouvaient venir saisir les actifs de Bernard Tapie à tout moment dès la décision de la Cour d'appel. 

La fin de cette procédure de sauvegarde est désormais suspendue aux prochaines décisions de justice. Dans le cas d'une annulation de la condamnation à rembourser les 404 millions d'euros, les sociétés n'auraient plus de raison d'être menacées. Dans le cas contraire, le plan de sauvegarde pourrait mener jusqu'au placement en redressement ou liquidation judiciaire. Le feuilleton Tapie est encore loin d'être terminé.

Hélène Millard