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Police-Justice

Port du voile intégral : un phénomène marginal ?

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Moins de 400 femmes porteraient en France un voile intégral. Avancé par la police, qui juge « marginal » le phénomène, ce chiffre relance le débat sur l'interdiction de la burqa.

Il y aurait 367 femmes portant le voile intégral (niqab ou burqa) en France. C'est le chiffre avancé par deux rapports des renseignements français, l'un de la Direction du renseignement intérieur (DCRI) et l'autre de la Sous-direction de l'information générale (SDIG). Ces notes ont été remises au gouvernement début juillet.

Des femmes jeunes, converties et volontaires

D'après ces rapports, ces 367 femmes entièrement voilées sont majoritairement des jeunes. Elles ont presque toutes moins de 30 ans et habitent principalement dans les grandes agglomérations de Paris, Lyon et Marseille. Il s'agit de Françaises converties à l'Islam, qui sont volontaires pour porter le voile intégral. Autrement dit, d'après ces notes des services de renseignement, elles ne seraient pas sous la contrainte de leurs familles. Et le port du voile intégral serait même pour certaines une façon de provoquer leurs familles et la société.

« La volonté d'avoir une place dans la société »

Un constat remis en cause par les sociologues et spécialistes de l'Islam, qui estiment que ce chiffre de 367 ne comptabilise que les femmes couvertes qui sortent et pas celles qui sont recluses chez elles. Dounia Bouzar, anthropologue et spécialiste de la pratique de l'islam en France, revient sur le profil de ces 367 femmes recensées : « Des jeunes qui ne sont pas du tout dans la religion au départ, pas du tout musulman, des gens d'origines différentes - bretonne par exemple. Mais leur point commun c'est qu'ils n'ont pas de fonction au sein de la société, ils ont l'impression que personne n'a besoin d'eux ; et là tout à coup, ils passent du statut d'inutile au statut de sauveur de l'humanité, qui possèdent la vérité, presque prophète... Finalement, il n'y a pas de recherche spirituelle, mais une volonté de toute puissance, et avant cela, la volonté d'avoir une place. »

« Les RG nous font croire n'importe quoi »

Au sein de la Mission d'information parlementaire sur le port du voile intégral, créée début juillet par des députés inquiets d'un possible développement de ce phénomène en France, les avis sont partagés sur cette statistique de 367 femmes recensées. Pour François de Rugy, député Verts de Loire-Atlantique et membre de la mission, « ces chiffres sont assez ridicules. J'ai le plus grand respect pour le travail des policiers, mais là je crois que les renseignements généraux nous font un peu croire n'importe quoi. N'importe quel Français se promenant dans la rue peut voir que le phénomène de la burqa ou du niqab est beaucoup plus important que quelques centaines de cas à l'échelle de la France. Ça ne sert à rien de vouloir nier le problème. »

« On a fait des lois pour moins que ça »

Quant au vice-président de la mission, Nicolas Perruchot, député Nouveau Centre du Loir-et-Cher, il se montre plus mesuré : « c'est une première statistique qui est intéressante ; on en a très peu en matière de voile intégral jusqu'à présent. Maintenant, c'est vrai que ce chiffre apparaît relativement faible, comparé à la totalité de la population française. Mais ce qui aurait été inquiétant, c'est qu'on en trouve aucune. C'est vrai que pour 360 cas, on ne fait pas de nouvelle loi en France, mais on a parfois fait des lois pour moins que ça. »

« Pas négligeable, mais vraiment marginal »

De son côté, Dalil Boubakeur, le recteur de la mosquée de Paris, n'est pas surpris par ce chiffre : « il fallait s'attendre à ce que ce soit un nombre de cas marginal, comme on l'a toujours dit. Un nombre de cas qui n'est pas représentatif de l'ensemble des femmes musulmanes de France, parce que s'il y a 6 millions de musulmans, il y a bien 3 millions de femmes et de jeunes filles. Donc, je ne dis pas que c'est négligeable, c'est un fait qui existe, il faut en tenir compte, mais ça reste marginal, extrêmement minoritaire. »

La mission d'information de l'Assemblée nationale a 6 mois pour entendre et recenser les différents points de vue. Elle rendra son rapport à la fin de l'année.

La rédaction, avec Marion Lagardère