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Pochoir de Banksy dérobé à Paris: à qui appartiennent les oeuvres de street art?

Le vol d'un pochoir de Banksy à Paris filmé par une riveraine.

Le vol d'un pochoir de Banksy à Paris filmé par une riveraine. - Document BFMTV

Une des oeuvres parisiennes du célèbre street artist située aux abords du centre Pompidou a été dérobée en début de semaine. Un fait divers qui soulève plusieurs interrogations juridiques, notamment la question de sa propriété.

C'est un petit rat au museau masqué brandissant un crayon, dont le pochoir a été apposé en juin 2018 aux abords du Centre Georges-Pompidou (IVe arrondissement de Paris), au dos d'un panneau de signalisation indiquant le parking souterrain du musée.

Revendiquée à l'époque par Banksy via son compte Instagram, l'oeuvre a été dérobée, a annoncé mardi le centre culturel, confirmant une information de LCI qui indiquait que le forfait avait été commis dans la nuit de dimanche à lundi. Le parquet de Paris a ouvert une enquête, confiée au 1er district de police judiciaire.

Vol ou dégradation?

La disparition d'une oeuvre de street art, réalisée par définition à un endroit précis de l'espace public, soulève plusieurs questions juridiques, et notamment celle de la propriété de l'oeuvre et de son existence légale.

Le musée a fait part de son intention de porter plainte pour dégradation, et non pour vol. "On présume que le panneau métallique a été découpé à la scie. Nous ne sommes pas propriétaires de l'oeuvre, c'est pour cela que nous portons plainte pour dégradation", a expliqué à l'AFP le service communication de l'institution culturelle.

Dans ce cas, est-ce la mairie de Paris ou alors l'artiste qui en est le propriétaire légitime? Ou encore, l'artiste a-t-il fait don de son oeuvre en la réalisant? La question n'est juridiquement pas tranchée.

"Il y a trois types de propriété dans ce cas précis, explique à BFMTV.com Olivier de Baecque, avocat au barreau de Paris spécialiste du droit de l'art. Celle de l'immeuble, celle de l'oeuvre elle-même, en l'occurrence le pochoir, et un troisième niveau, celui de la propriété intellectuelle."

Ainsi, en fonction de l'endroit où l'oeuvre prend ses quartiers, le propriétaire de l'immeuble pourrait être - selon le cas - une copropriété, une collectivité territoriale ou encore l'État. Selon cette lecture, la propriété intellectuelle revient à l'auteur de l'oeuvre. 

"Banksy pourrait juridiquement opposer aux voleurs que la signification de son oeuvre résulte de l'endroit où elle est apposée, et que la déplacer ou la vendre aux enchères pourrait porter atteinte à son droit moral d’auteur", analyse Me de Baecque, en incitant toutefois à la prudence et soulignant "le peu de décisions" en la matière. 

Un type de propriété peut-il prévaloir sur une autre?

Le cas Banksy pourrait-il créer une jurisprudence? "Un street artist qui apposerait une oeuvre sur un bâtiment sans autorisation pourrait logiquement se voir opposer le droit du propriétaire de l'immeuble à avoir un mur sans fresque. Pour Banksy, ce raisonnement devient très théorique car son oeuvre est tellement connue que les propriétaires peuvent être heureux de la conserver", poursuit Olivier de Baecque. 

"Je ne suis pas sûr qu'un propriétaire d'immeuble qui poursuivrait le vol d'une oeuvre de street art apposée sur son bien pourrait gagner, continue l'avocat. Il pourrait lui être opposé que l’oeuvre appartient à l’artiste. En revanche, il pourrait peut-être gagner sur le terrain de la dégradation du bâtiment... C'est certainement pour ça que le centre Pompidou a choisi cette option-là."

Sans se revendiquer propriétaire, le musée avait néanmoins protégé le pochoir par une plaque de plexiglas, peu après son installation.

Une autre oeuvre parisienne de Banksy dérobée en janvier

En juillet 2018, quelques semaines après sa création, le petit rat avait déjà subi une tentative de dégradation ou de vol, interrompue à l'époque par des agents de sûreté en ronde.

En janvier dernier, un pochoir du même artiste britannique réalisé sur une porte du Bataclan en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 avait été volé. La salle de spectacles avait à l'époque porté plainte pour vol de la porte, et non de l'oeuvre.

"Quand une oeuvre est volée, elle ne vaut plus rien car elle est répertoriée, tout le monde le sait. (...) Dans ce cas, ce serait plutôt le fait d'un collectionneur", a réagi Ophélie Guillerot, responsable art contemporain de la maison de ventes aux enchères Claude Aguttes sur le plateau de BFM Paris.

À l'heure à laquelle nous écrivions ces lignes, Banksy n'avait pas réagi à l'annonce de ce nouveau larcin. 

Clarisse Martin