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Police-Justice

Pédophilie dans l’église: peine exemplaire requise contre un évêque qui a couvert des faits

L'abbé Pierre de Castelet

L'abbé Pierre de Castelet - GUILLAUME SOUVANT / AFP

Le procureur d'Orléans a requis de la prison ferme contre un prêtre accusé d'atteintes sexuelles sur mineurs en 1993. Mais aussi, et c'est plus rare, contre l'évêque qui ne l'avait pas dénoncé.

Ce verdict sonnera-t-il la fin du silence de l'Eglise sur les cas de pédophilie en son sein? Le procureur a requis de la prison ferme mardi soir devant le tribunal correctionnel d'Orléans contre un prêtre accusé d'atteintes sexuelles sur mineurs en 1993. Mais aussi, et c'est une décision rare, contre l'évêque qui ne l'avait pas dénoncé

Trois ans, dont six mois avec sursis, ont été requis contre l'abbé Pierre de Castelet, 69 ans, qui comparaît pour des attouchements sur des mineurs de 15 ans. Des faits commis sur de jeunes garçons, lors d'un camp organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) pendant l'été 1993.

Concernant Mgr André Fort, 83 ans aujourd'hui et évêque d'Orléans de 2002 à 2010, le procureur a requis un an ferme avec mandat d'arrêt.

L'évêque informé par une lettre

Le dignitaire catholique, qui ne s'est pas présenté au tribunal pour raisons médicales, n'avait pas informé la justice lorsqu'une des trois parties civiles, Olivier Savignac, lui avait adressé en 2008 une lettre faisant état d'attouchements de la part de l'abbé. Il avait ensuite rencontré le jeune homme, qui lui avait assuré qu'une dizaine de jeunes pouvaient être dans le même cas.

Mais l'évêque s'était contenté d'éloigner le prêtre de tout contact avec les jeunes. Ce n'est qu'une fois André Fort parti à la retraite et avec l'arrivée du nouvel évêque, Mgr Jacques Blaquart, que la justice sera finalement saisie.

Pour l'avocat des parties civiles, ce faisant, Jacques Blaquart a mis un terme à "une gestion interne" de ces faits au sein de l'Église, laquelle "fait peser sur les épaules des victimes le secret de leurs propres souffrances". "Ce jugement doit être un électrochoc", a affirmé le procureur d'Orléans au moment des réquisitions. 

Un seul précédent

Le renvoi d'un évêque devant la justice est exceptionnel. Lors d'un précédent procès en 2001, l'évêque de Bayeux, Pierre Pican, avait été condamné à trois mois de prison avec sursis pour non dénonciation des actes pédophiles commis par un prêtre de son diocèse, l'abbé René Bissey.

La justice semble toutefois ces dernières années tendre vers davantage de sévérité envers ceux qui gardent le silence, permettant aux pédophiles de sévir souvent des années sans être inquiétés. La loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes a modifié l'article concernant la non dénonciation d'abus sexuels, qui établit désormais que "quiconque ayant connaissance" de faits d'abus est tenu de les signaler "tant qu'ils n'ont pas cessé". 

Une nouvelle loi qui sera probablement mise en œuvre à l'occasion du très attendu procès Barbarin, du nom de ce cardinal jugé pour ne pas avoir dénoncé les agressions dont étaient victimes des scouts au sein de son diocèse. Des faits dont il avait pourtant connaissance depuis plusieurs années. 

Sur 15.000 prêtres et diacres en France, dix sont actuellement mis en examen et quatre autres incarcérés pour pédophilie, selon des chiffres de l'épiscopat publiés mardi soir, qui montrent également une hausse relative des signalements dans les diocèses depuis début 2017.

Claire Rodineau