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Police-Justice

Parcours criminel, profil du suspect: ce que l'on sait de l'attaque qui a tué trois Kurdes à Paris

L'homme soupçonné d'avoir tué trois Kurdes à Paris a reconnu devant les enquêteurs "une haine pathologique" envers les étrangers. Dans son projet meurtrier, le suspect envisageait également du tuer des étrangers à Saint-Denis.

Depuis son interpellation, l'homme suspecté d'avoir tué trois Kurdes vendredi matin à Paris a livré de nombreux détails sur son projet criminel. Au cours de sa garde à vue, entrecoupée d'un passage à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police en raison de son état de santé, l'ancien cheminot de 69 ans a évoqué ses motivations racistes et exposé les étapes de son parcours meurtrier du 23 décembre.

BFMTV.com fait le point sur les avancées de l'enquête ouverte par le parquet de Paris pour assassinats et tentatives d'assassinats.

• L'étape avortée de Saint-Denis

Le jour de l'attaque, le centre culturel kurde n'était pas la cible initiale de William M. D'après ses déclarations en garde à vue, il s'est d’abord rendu vers 6h50 du matin à Saint-Denis, muni d'un pistolet automatique et de nombreuses munitions "pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères", rapporte le parquet de Paris dans un communiqué.

Seul dans des rues désertes, l'ancien cheminot a renoncé à ouvrir le feu à Saint-Denis et s'est alors rendu rue d'Enghien à Paris, en sachant que le centre culturel kurde était un point de rencontre pour des membres de la communauté.

• La fusillade à Paris motivée par "la haine des étrangers"

En milieu de matinée, Willam M. a donc ouvert le feu successivement sur une femme et deux hommes présents devant le centre culturel kurde de la rue d’Enghien, dans le 10e arrondissement de Paris. Il a poursuivi sa progression dans la même rue, blessant trois autres hommes - deux Kurdes et un Français - par balles.

"Maîtrisé et désarmé par l'une des victimes, le sexagénaire a été interpellé à 11h40 en possession de son arme, de quatre chargeurs contenant au total 14 munitions et d’une boîte de 25 munitions", précise le parquet de Paris.

• Des victimes choisies au hasard

En garde à vue, William M. a expliqué s’en être pris à des victimes qu’il ne connaissait pas. Il a affirmé ne pas avoir fixé à l’avance le nombre de victimes, mais a précisé qu'il avait l’intention d’utiliser toutes les munitions et de se suicider avec la dernière balle.

Le suspect a ajouté en vouloir "à tous les migrants" depuis un cambriolage dont il a été victime en 2016. Selon la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, William M. identifie cet événement comme l'élément déclencheur d’une "haine des étrangers devenue complètement pathologique".

• Un suspect au profil dépressif et suicidaire...

L'entourage du mis en cause, qui vit chez ses parents, le décrit comme dépressif, taiseux, et solitaire.

Après la fusillade, le seul regret exprimé par William M. est de ne pas avoir réussi à se suicider, a-t-il déclaré aux enquêteurs. Il voulait "emporter ses ennemis dans la tombe", précisant que par "ennemis", il entendait "tous les étrangers non européens", souligne le parquet.

"J’ai toujours eu envie d’assassiner des migrants, des étrangers, depuis ce cambriolage", a-t-il déclaré aux enquêteurs, précisant également être "dépressif" et "suicidaire".

• ... Et aux lourds antécédents judiciaires

Depuis plusieurs années, William M. accumule les démêlés avec la justice. Il a en effet été interpellé en décembre 2021 pour s'être attaqué avec un sabre à un camp de migrants dans le 12e arrondissement de la capitale. Placé en détention provisoire à la prison de la Santé, il a été remis en liberté conditionnelle le 12 décembre dernier, dans l'attente d'un éventuel procès, le risque de récidive ayant été jugé "limité".

Lors de cette précédente enquête, son profil psychiatrique avait déjà inquiété la justice en raison des propos racistes qu'il tenait et dont il ne semblait pas mesurer pas la portée. Une expertise psychiatrique avait été réalisée "en urgence" durant sa détention provisoire: elle ne retenait pas d'"état dangereux" du mis en cause mais concluait qu'il souffrait d'une "rancune" envers les étrangers.

William M. avait également été condamné pour violences le 30 juin à Bobigny, pour avoir mis un coup de couteau à un cambrioleur. Il a fait appel de sa condamnation le 8 juillet dernier.

• Le Parquet national antiterroriste ne se saisit pas

Depuis vendredi, de nombreuses voix politiques et militantes s'élèvent pour que cette fusillade, sur fond de racisme, soit qualifiée juridiquement d'acte terroriste. Ce dimanche soir, l'enquête reste toutefois sous la houlette du parquet de Paris avec une qualifiation d'assassinats et tentatives d'assassinats.

Dans son communiqué, Laure Beccuau justifie ce choix par le fait "qu'aucun élément ne permet à ce stade de le relier a un projet terroriste. La perquisition réalisée au domicile des parents a amené à la découverte d’un ordinateur et d’un smartphone.

Leur exploitation, y compris par la voie de réquisitions téléphoniques, n’a rien révélé. La documentation saisie à cette occasion n’est pas révélatrice d’un quelconque lien avec une idéologie extrémiste".

Pour Agit Polat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en france, cette orientation juridique résonne comme une injustice: "L'une des victimes était une figure emblématique des militantes kurdes. On persiste à penser qu'il s'agit d'un attentat terroriste."

Vincent Vantighem et Ambre Lepoivre