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Police-Justice

Outrage : les plaintes policières en forte hausse

La grande majorité de ces plaintes est émise par des policiers, qui anticipent le moindre dérapage et ainsi les risques de dépôt de plainte à leur encontre

La grande majorité de ces plaintes est émise par des policiers, qui anticipent le moindre dérapage et ainsi les risques de dépôt de plainte à leur encontre - -

Le nombre de plaintes pour outrage à un agent de l’Etat est en forte hausse. La société française va de plus en plus souvent devant justice.

C'est ce matin que le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Maria Vuillet. Cette assistante sociale risquait une amende de 1 000 euros pour outrage à un sous-préfet lors de la journée de commémoration du souvenir du résistant Guy Môquet, le 22 octobre 2007. Une accusation (elle aurait lâché un « Sarko-Facho !») qu'elle a toujours nié fermement.

Selon nos informations, ce type de poursuites pour gestes ou paroles déplacées à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique a explosé. Les procédures pour outrage ont en effet doublé depuis 10 ans : passant de 17 700 faits en 96 à plus de 31 000 l'an dernier, signe d'une "judiciarisation" croissante de la société. Or, la notion d'outrage est vaste et concerne de plus en plus d'agents de l'Etat, allant du ministre, préfet ou policier au postier, guichetier de préfecture ou contrôleur des transports publics... Un geste, ou une parole, déplacés visant ces agents peut entraîner 6 mois de prison et 7 500 euros d'amende. Et ce recours fréquent au délit d'outrage, majoritairement par les policiers, inquiète de plus en plus.

Un collectif pour une dépénalisation

Un collectif de citoyens créé il y a peu demande d'ailleurs à changer la loi, car cette infraction est particulière : c'est en effet le policier qui constate le délit mais c'est aussi lui qui se déclare victime. Difficile pour un citoyen de se défendre face à un citoyen assermenté, les magistrats reconnaissant qu'il s'agit d'audiences délicates. Moins de 5% des cas se terminent d'ailleurs par une relaxe comme se fut pourtant le cas pour l'affaire Marie Vuillet.

Fabien Jobard, chercheur au CNRS et spécialiste du droit et des institutions pénales, a réalisé une étude sur le sujet et il explique cette augmentation des délits d'outrage à l'encontre des policiers : « La société française a de plus en plus recours à la justice pour régler ses différends et les policiers n'échappent pas à la règle. Pour eux, dresser un rapport d'outrage, c'est se couvrir de difficultés, lorsque par exemple l'interpellation s'est mal passée. Autrement dit, le fait que les policiers ont beaucoup plus recours aux juges qu'auparavant, c'est parce qu'ils anticipent beaucoup plus le fait que quiconque est prêt aujourd'hui à déposer plainte pour n'importe quoi ».

Difficile de se défendre

Ces poursuites se finissent au tribunal et les juges voient affluer ce type d'affaires, qui sont délicates à gérer comme l'explique Emmanuelle Perreux, présidente du syndicat de la Magistrature : « La difficulté, c'est de comprendre le contexte, avec cette difficulté supplémentaire : on a d'un côté la parole policière, qui a une valeur dans notre société puisque les policiers sont des fonctionnaires assermentés, et de l'autre côté des citoyens qui n'ont souvent que leur parole pour contester les faits. Ce sont des affaires à toujours manier avec précaution. Lorsque vous avez quelqu'un, mis en cause, qui clame son innocence, il est toujours très difficile pour lui de rapporter la preuve inverse de celle de la parole des policiers ».

La rédaction et Aurélia Manoli