BFMTV
Police-Justice

Nouvelle enquête judiciaire sur un marché d'armement

Le parquet de Paris va ouvrir une information judiciaire sur un marché d'armement conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite, appelé "Sawari II", et qui aurait pu donner lieu à une corruption en France. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Gaillard

Le parquet de Paris va ouvrir une information judiciaire sur un marché d'armement conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite, appelé "Sawari II", et qui aurait pu donner lieu à une corruption en France. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Gaillard - -

PARIS (Reuters) - Le parquet de Paris va ouvrir une information judiciaire sur un marché d'armement conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite,...

PARIS (Reuters) - Le parquet de Paris va ouvrir une information judiciaire sur un marché d'armement conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite, appelé "Sawari II", et qui aurait pu donner lieu à une corruption en France, a-t-on appris de source judiciaire.

Le procureur Jean-Claude Marin a expliqué à Reuters qu'il entendait répondre ainsi au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke qui a demandé à être saisi de ces faits pour compléter la procédure portant sur un autre marché, celui d'une vente de sous-marins au Pakistan en 1994.

"Il s'agit d'une affaire distincte", a dit le procureur. Le contrat portait sur la vente de frégates par la Direction des constructions navales (DCN). Le site d'information Mediapart précise mardi que la procédure sur "Sawari II" serait ouverte pour "abus de biens sociaux et recel".

En toile de fond de ces affaires, se trouve l'attentat de Karachi, au Pakistan, dans lequel ont péri en 2002 onze Français qui travaillaient à la construction de sous-marins.

Les juges examinent l'hypothèse selon laquelle cet attentat aurait été commis en raison de l'arrêt des paiements de commissions en marge de ces marchés d'armement, décidé par Jacques Chirac après son élection à l'Elysée en 1995.

Selon cette hypothèse, le chef de l'Etat soupçonnait un retour frauduleux de l'argent en France pour son rival de la présidentielle Edouard Balladur, opération illégale de corruption appelée "rétrocommissions".

"SAUCISSONNAGE"

L'enquête a établi que deux intermédiaires libanais, Ziad Takieddine et Abdul Rahman El Assir, étaient intervenus dans les deux marchés, pakistanais et saoudien.

Ces intermédiaires libanais devaient toucher 33 millions d'euros dans le contrat des sous-marins et 200 millions d'euros en marge du contrat saoudien, ont déclaré des dirigeants de la DCN aux juges.

L'argent passait par deux sociétés créées au Luxembourg par la DCN avec, selon un rapport de police luxembourgeois, l'aval d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget à l'époque. Ce dernier conteste le rôle qui lui est prêté.

Les intermédiaires en question ont été privés, selon les auditions des dirigeants de la DCN, d'environ neuf millions d'euros sur le Pakistan et de la majeure partie des 200 millions prévus dans le cadre du contrat sur l'Arabie saoudite.

Olivier Morice, avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, déclare à Mediapart, que la séparation des enquêtes sur les deux marchés est un "saucissonnage judiciaire du parquet qui a pour principal objectif de rendre moins efficace l'avancée d'une justice indépendante".

Le juge Van Ruymbeke n'est saisi actuellement que des délits "d'entrave à la justice" et de "faux témoignage". Il s'est déclaré compétent pour enquêter sur les faits présumés de "corruption et abus de biens sociaux" sur le marché pakistanais mais le parquet a fait appel et la chambre de l'instruction devra donc trancher. Une audience est programmée le 10 janvier.

Thierry Lévêque, édité par Bertrand Boucey