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Police-Justice

Non-dénonciation d'abus sexuels: le cardinal Barbarin de nouveau face à la justice

Philippe Barbarin lors de l'ouverture de son procès devant le tribunal correctionnel de Lyon le 7 janvier 2019.

Philippe Barbarin lors de l'ouverture de son procès devant le tribunal correctionnel de Lyon le 7 janvier 2019. - AFP

Le cardinal Philippe Barbarin est jugé ce jeudi devant la cour d'appel de Lyon pour ne pas avoir dénoncé les agissements reconnus depuis par le père Preynat, un prêtre lyonnais accusés d'abus sexuels sur des enfants lors de camps scouts dans les années 1980-1990.

Le cardinal Philippe Barbarin aurait-il dû dénoncer à la justice les agissements du père Preynat quand il en a été informé d'abord en 2010 puis en 2014? C'est à cette question que va devoir répondre la cour d'appel de Lyon ce jeudi alors que l'archevêque de Lyon est jugé en seconde instance devant la juridiction. Le tribunal correctionnel avait tranché en début d'année en reconnaissant coupable le cardinal et en le condamnant à 6 mois de prison avec sursis le 7 mars dernier.

Dans ce jugement, les juges du tribunal correctionnel avaient considéré qu'"il ne peut pas être ignoré qu'il avait une connaissance plus ancienne des abus sexuels reprochés à Bernard Preynat". "En voulant éviter le scandale, causé par les faits d'abus sexuels multiples commis par un prêtre, mais sans doute aussi par la mise à jour de décisions bien peu adéquates prises par les évêques qui le précédaient, Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d'empêcher la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice, et d'interdire l'expression de leur douleur", écrivent les magistrats.

Pas d'entrave à la justice

Le tribunal correctionnel a estimé qu'en 2010 déjà Philippe Barbarin aurait dû faire un signalement à la justice. A cette époque-là, le père Preynat a avoué ses agressions sur des mineurs à l'archevêque de Lyon alors que la rumeur circulait depuis des années. L'infraction a été constatée mais le prélat n'a pas été reconnu coupable car les faits étaient prescrits. Toutefois, la justice l'a condamné pour "non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs" entre 2014 et 2015, après avoir reçu en juillet 2014 Alexandre Hezez, victime présumée du père Preynat, renvoyé de l'état clérical en juillet 2019.

Pour la défense, les arguments retenus par la justice ne tiennent pas. Les avocats de Philippe Barbarin rappellent qu'au moment où le cardinal a été averti, les faits étaient prescrits. Il ne peut donc pas y avoir d'entrave à la justice, estiment-ils. Par ailleurs, les victimes étant majeures, ils leur revenaient de porter plainte par elles-mêmes. Enfin, ils invoquent le secret ecclésiastique, et l'option de conscience qui en découle, qui selon eux permet à leur client de ne pas signaler des faits et de ne pas être condamné pour cela.

"J’ai reconnu les erreurs que j’ai faites mais ce ne sont pas celles que je me vois reprocher", se défendait le cardinal Barbarin le 19 mars dernier dans une interview à la chaîne KTO. "C'est l'Eglise qui est jugée à travers Philippe Barbarin", abonde son avocat Me Jean-Félix Luciani.

Débat de société

"Dans ce dossier, personne n'est venu se confesser à Barbarin. On n'est pas dans le cadre du secret", objecte Me Jean Boudot pour les parties civiles, convaincues que l'unique souci du prélat, "derrière les apparences", était d'éviter un scandale. Une consigne qu'il aurait reçue du Vatican. Pour les victimes, le procès en première instance a permis de démontrer qu'il n'y avait pas "d'acharnement" à l'encontre de l'archevêque de Lyon, alors que l'enquête préliminaire menée par le parquet de Lyon avait classé l'affaire sans suite.

Ce procès en appel doit désormais servir à faire avancer la société sur ce sujet de la dénonciation des agressions sexuelles et des viols.

"Si chaque citoyen est conscient que s'il est en connaissance de faits d'agressions sexuelles sur mineur, il est potentiellement répréhensible devant la loi, ça va automatiquement impliquer énormément de signalements auprès des parquets de France, et donc d'enquête, et donc de sécurisation par rapport à ce fléau", analyse François Deveaux, président de l'association La Parole libérée, qui regroupe les victimes du père Preynat.
Justine Chevalier