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Police-Justice

Mort d'Adama Traoré: une nouvelle expertise médicale écarte la responsabilité des gendarmes

Manifestation pacifique à Beaumont-sur-Oise le 20 juillet 2019 contre les violences policières, trois ans après la mort d'Adama Traoré durant son arrestation

Manifestation pacifique à Beaumont-sur-Oise le 20 juillet 2019 contre les violences policières, trois ans après la mort d'Adama Traoré durant son arrestation - Kenzo Tribouillard / AFP

L'expertise écarte à nouveau la responsabilité de la technique d'interpellation des gendarmes dans le décès du jeune homme noir.

Près de quatre ans après la mort d'Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans, la responsabilité des gendarmes qui l'avaient interpellé vient à nouveau d'être écartée par la dernière expertise judiciaire, ordonnée après un coup de théâtre dans cette affaire devenue un symbole des violences policières.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré était décédé dans la caserne de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) au terme d'une course-poursuite et après avoir échappé à une première interpellation un jour de canicule.

"Adama Traoré n'est pas décédé +d'asphyxie positionnelle+, mais d'un œdème cardiogénique", concluent les trois médecins dans le document de sept pages dont ont eu connaissance nos confrères de l'AFP.

Une bataille judiciaire et médicale

Sans se montrer catégoriques au sujet des causes de cet oedème, ils estiment que "l'association d'une sarcoïdose pulmonaire (pathologie rare, ndlr), d'une cardiopathie hypertrophique et d'un trait drépanocytaire (une maladie génétique, ndlr) ont probablement pu y contribuer dans un contexte de stress intense et d'effort physique, sous concentration élevée de tétrahydrocannabinol", le principe actif du cannabis.

Cette expertise avait été ordonnée l'an passé par les juges d'instruction chargés de cette affaire sensible, après qu'un rapport médical réalisé à la demande de la famille avait balayé les conclusions de l'enquête.

Adama Traoré "a pris le poids de nos corps à tous les trois" lors de son arrestation dans la maison où il s'était caché, avait raconté un des gendarmes lors d'un interrogatoire, suscitant des interrogations sur la méthode employée.

Les trois gendarmes ayant procédé à l'arrestation ont été placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté et, depuis, la défense et la famille se livrent une bataille judiciaire mais aussi médicale. Une expertise de synthèse remise aux juges le 14 septembre 2018 avait notamment conclu que "le pronostic vital (était) engagé de façon irréversible" avant l'interpellation.

Un "déni de justice" selon Assa Traoré

Les juges s'apprêtaient à rendre un non-lieu quand la famille avait relancé les investigations en versant au dossier un rapport de médecins, dont un spécialiste de la drépanocytose, qui attribuait la mort à "un syndrome asphyxique aigu" et invitait à "se poser la question de l'asphyxie positionnelle ou mécanique", autrement dit une mise en cause de la technique d'interpellation des gendarmes.

"C'est la troisième expertise qui vient conforter l'absence de toute responsabilité des gendarmes", a assuré Me Rodolphe Bosselut, avocat des gendarmes.

Pour sa part, Me Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille du jeune homme, a affirmé que les médecins auteurs de la dernière expertise "n'ont aucune compétence en cardiologie mais se permettent d'inventer une maladie cardiaque", alors que "des cardiologues avaient affirmé qu'Adama Traoré n'avait aucune pathologie cardiaque". "Et il n'y a pas une seule ligne sur la méthode d'interpellation dans cette expertise alors que c'est le sujet central de ce dossier", a-t-il déploré.

La soeur d'Adama Traoré, Assa, a quant à elle dénoncé "un déni de justice" et estimé qu'"on protège les gendarmes".

La famille avait également tenté d'obtenir, en vain, une reconstitution de la séquence ayant conduit à la mort d'Adama Traoré. Comme les magistrats instructeurs avant elle, la cour d'appel de Paris a rejeté en janvier cette demande, alors que le parquet général s'était dit favorable à une reconstitution partielle. En conséquence, les proches ont indiqué qu'ils prévoyaient d'organiser eux-mêmes une reconstitution.

La famille du jeune homme dénonce un faux témoignage

Pour sa part, la défense s'appuie notamment sur le témoignage du particulier chez qui Adama Traoré s'était réfugié avant son interpellation, alors qu'il tentait d'échapper aux forces de l'ordre lors d'une opération qui visait son frère Bagui, soupçonné d'extorsion de fonds. Il a raconté aux enquêteurs que le jeune homme était "essoufflé" quand il l'a trouvé assis contre sa porte, menotté. 

"La seule chose qu'il me dit, c'est: +tire-moi+. Je ne l'ai jamais vu dans un état pareil. Il n'arrivait pas à parler. Il respirait bruyamment", a décrit cet homme aux enquêteurs le 1er août 2016, quelques jours après le décès.

Selon une source proche du dossier, cet homme, qui n'a pas été entendu depuis, avait ensuite appelé les enquêteurs pour se plaindre d'avoir reçu des menaces de proches d'Adama Traoré. Mais, selon Me Yassin Bouzrou, il "refuse désormais de témoigner sous serment devant un juge d'instruction car ses propos étaient mensongers et probablement commandés".

H.G. avec AFP