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Police-Justice

Monflanquin : "Là je me dis : on est dans la m..."

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Les enfants de deux des onze "reclus de Monflanquin" ont décrit mardi au tribunal leur effroi devant le changement du tout au tout de leurs parents après leur rencontre avec Thierry Tilly.

A l'été 2000, Etienne de Védrines, fils de l'aîné des Védrines, vient en vacances dans la propriété lot-et-garonnaise de son père Philippe et le trouve changé, tenant des propos bizarres sur les internements psychiatriques ou les francs-maçons.

"Il n'était pas serein, il n'arrêtait pas de s'absenter, la maison était barricadée, il avait un nouveau téléphone portable dont il n'a pas voulu me donner le numéro", se rappelle Etienne qui témoignait mardi au cours du deuxième jour du procès des "reclus de Monflanquin".

"Fous-nous la paix et reste au bord du chemin"

Ses craintes semblent fondées. Brigitte, la compagne de Philippe, confie d'un air "énigmatique" à la femme d'Etienne que celui-ci "ne se trompe pas" en craignant un danger pour la famille.

En novembre, Philippe, sa soeur Lucile et Caroline, fille de Brigitte, se réunissent. Les filles évoquent alors un certain Tilly qui aurait fait miroiter à leurs parents des placements à rendement extraordinaire : "On regarde sur societe.com et on voit qu'il est gérant de dix entreprises, toutes en liquidation judiciaire". "Et là je me dis, excusez l'expression, on est dans la m...", poursuit Etienne.

Le jeune homme veut mettre son père en garde. Il s'entend répondre que "Thierry Tilly est un type extra". Il appelle son oncle et parrain Charles-Henri, ignorant "qu'il est dans le même cas". Celui-ci lui répond que "Thierry Tilly nous fait gagner beaucoup d'argent, alors fous-nous la paix et reste au bord du chemin".

"J'ai pris une sacrée claque"

Plus tard, il tente de rencontrer au château familial sa grand-mère adorée, Guillemette. Il tombe sur sa tante Ghislaine, et ses trois cousins, fils de Ghislaine et Charles-Henri, qui l'empêchent d'accéder à la vieille dame. On finit par lui accorder cinq minutes. Guillemette toise alors son petit-fils, et lui lâche "cesse d'embêter ton père, tu es un monstre, sors d'ici".

"Après ça je me suis arrêté un quart d'heure au bord de la route pour souffler un coup car j'avais pris une sacrée claque", se rappelle Etienne de Védrines.

Il ne reverra son père qu'en février 2008, lorsque celui-ci sera le premier à s'enfuir du huis clos familial. "Il était en état de terreur", et "dans son récit, le fait d'avoir dit 'non' à Thierry Tilly était synonyme de suicide", indique Etienne, qui déplore encore aujourd'hui que sa fille de 12 ans ait été privée presque toute sa vie de son grand-père et de son arrière-grand-mère.

Caroline, la fille de Brigitte, a vu quant à elle sa mère déménager d'urgence le 23 décembre 2000 pour aller s'enfermer dans le Lot-et-Garonne. "Il y eu une perte d'années de vie pour elle et pour nous pendant huit ans... Ca a été très dur d'accepter qu'elle ne souhaite plus nous voir...".

Lucile, soeur d'Etienne, se souvient de la nuit où elle a dormi chez son père fenêtres ouvertes et toute habillée, car elle en avait soudain "très peur". "C'est compliqué de faire le deuil d'une personne vivante", lâche-t-elle tandis que son père reste figé sur son banc.

Toujours plein d'aplomb, Thierry Tilly persiste à nier avoir monté cette histoire de complot, qui a abouti à ce que les de Védrines lui versent plus de 4,5 millions d'euros en près de dix ans. Jetant au tribunal force anecdotes péjoratives à leur sujet, il lance : "Je ne suis pas le Deus ex-machina de leurs querelles internes".

Quand on lui présente des courriels qu'il leur a écrits, dans lesquels il évoque lui-même un complot maçonnique, il parle de "trait d'humour". Trait que "n'a pas relevé le tribunal", observe froidement la présidente Marie-Elisabeth Bancal.