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Mode: des défilés de haute volée dans un contexte fragile

Raf Simons à la fin de son défilé pour le prêt-à-porter de l'été prochain de Dior. Comme galvanisées par l'arrivée de Raf Simons chez Dior et Hedi Slimane chez Saint Laurent, les griffes de luxe ont livré à Paris des collections de haute volée pour le pri

Raf Simons à la fin de son défilé pour le prêt-à-porter de l'été prochain de Dior. Comme galvanisées par l'arrivée de Raf Simons chez Dior et Hedi Slimane chez Saint Laurent, les griffes de luxe ont livré à Paris des collections de haute volée pour le pri - -

par Pascale Denis PARIS (Reuters) - Comme galvanisées par l'arrivée de Raf Simons chez Dior et Hedi Slimane chez Saint Laurent, les griffes de luxe...

par Pascale Denis

PARIS (Reuters) - Comme galvanisées par l'arrivée de Raf Simons chez Dior et Hedi Slimane chez Saint Laurent, les griffes de luxe ont livré à Paris des collections de haute volée pour le printemps et l'été prochains, dans une atmosphère assombrie par la crise européenne et le ralentissement de l'économie chinoise.

Alors que sur les podiums les marques ont fait preuve d'une réelle créativité mêlée de pragmatisme, pour servir une clientèle devenue planétaire, l'inquiétude dominait chez les acheteurs et les distributeurs.

"L'inquiétude est générale. Les mois qui viennent vont être très difficiles en Europe et le fort ralentissement en Chine inquiète", a déclaré à Reuters Michel Roulleau, directeur général adjoint de la branche grands magasins aux Galeries Lafayette, en charge de la direction commerciale.

Les acheteurs américains et européens sont sur la défensive. L'Italie et l'Espagne sont très négatifs, tandis que les asiatiques achètent "énormément", a-t-il précisé.

Dans les showrooms, qui suivent immédiatement les défilés, les trois quarts des acheteurs viennent d'Asie et leurs commandes sont en forte hausse.

Du côté des griffes, le ralentissement de la croissance en Chine, la crise de la dette en Europe (avec un marché devenu extrêmement difficile en Italie, aux dires des professionnels) et la difficile reprise aux Etats-Unis, laissent entrevoir des jours moins fastes, même si leur croissance reste encore très enviable.

Si un tassement était anticipé, après des records de croissance dépassant souvent les 20% atteints en 2011, il pourrait ainsi être plus marqué que prévu et certaines marques semblent être plus touchées que d'autres.

LES CHINOIS RECHERCHENT UN LUXE PLUS EXCLUSIF

Car la clientèle chinoise, qui a constitué le grand moteur de la croissance du luxe ces dernières années et qui compte pour près du quart des ventes du secteur, a vu ses modes de consommation rapidement évoluer.

Comme les Japonais et les Russes avant eux, les consommateurs du pays se sont très vite sophistiqués.

"Ils sont en quête de différenciation et recherchent de plus en plus des marques raffinées, qui n'affichent pas de logos", a souligné Michel Roulleau.

Les analystes de CA Cheuvreux pensent ainsi que les marques déjà très visibles et très établies en Chine, comme Louis Vuitton et Gucci (groupe PPR) pourraient perdre des parts de marché.

"Avec la montée de la classe moyenne, les riches chinois veulent se démarquer avec des produits très haut de gamme et moins connus", commente un autre analyste.

Michel Roulleau indique pour sa part avoir constaté, depuis le début de l'année, des écarts importants entre les marques dans le magasin historique des Galeries Lafayette, à Paris.

"Certaines, trop connues pour leur logos, décélèrent".

Ce mouvement profite à plein aux marques de taille plus modeste, comme en témoigne l'explosion récente des ventes de Bottega Veneta, Saint Laurent (du groupe PPR) ou encore Céline (LVMH), qui sont en phase d'expansion de leur réseaux de boutiques.

Hermès tire aussi son épingle du jeu grâce à son positionnement très haut de gamme et des capacités de production volontairement limitées, tandis que l'italienne Prada, réputée pour sa créativité décalée, bénéficie d'une implantation plus tardive dans l'Empire du milieu.

GISEMENTS ENCORE TRES IMPORTANTS

Cependant, tous les experts s'accordent à dire que si les Chinois déjà consommateurs de luxe s'orientent vers des produits moins visibles et perçus comme plus exclusifs, le réservoir de croissance du secteur demeure très important, grâce au gigantesque gisement que constitue l'accroissement des classes moyennes.

Louis Vuitton, conscient du risque de banalisation lié à la masse de ses ventes de sacs de toile enduite à des prix "accessibles", vise quant à lui à préserver son image haut de gamme. La marque s'est lancée dans la maroquinerie sur mesure et vient d'ouvrir sa boutique de haute joaillerie Place Vendôme.

Moteur de la rentabilité du groupe LVMH, le maroquinier a vu la croissance de ses ventes nettement ralentir au deuxième trimestre et pourrait, selon les analystes, avoir encore décéléré pendant l'été.

Selon des estimations faites à partir de la publication du chiffre d'affaires de Dior SA, maison-mère de LVMH, les ventes de la division mode-maroquinerie du groupe affichaient une hausse limitée à 1,5% à taux de change constants en juillet, laissant entrevoir une possible stagnation des ventes de Louis Vuitton ce mois-là.

Sur les podiums, de l'avis général, les défilés parisiens ont offert des collections de très haute tenue.

"Il y a eu beaucoup de recherche dans les matières et les coupes, une sophistication moins visible et plus intériorisée", a estimé Tancrède de Lalun, directeur des marchés homme et femme au Printemps.

Le temps des exercices de style oublieux de la clientèle est largement révolu. Les griffes puisent dans leurs archives pour proposer une mode sophistiquée mais sans ostentation et, surtout, facile à commercialiser.

Les défilés de Dior et Saint Laurent ont parfaitement illustré cette tendance.

"Pour être reconnues dans le monde, les marques doivent offrir aux femmes une identité propre, moderne et portable à la fois", relève Michel Roulleau.

"Elles ont compris qu'après les sacs, il leur fallait un prêt-à-porter iconique", ajoute-t-il.

Avec Mathilde Gardin, édité par Matthieu Protard