BFMTV
Police-Justice

Meurtre de Sarah Halimi: l'enquête est finie mais l'incertitude demeure quant à la tenue d'un procès

Sarah Halimi, la sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris.

Sarah Halimi, la sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris. - Capture d'écran LCI

L'enquête sur le meurtre de Sarah Halimi touche à sa fin. La juge en charge de l'affaire doit désormais se prononcer sur la tenue ou non d'un procès contre Kobili Traoré.

La juge chargée de l'enquête sur le meurtre de Sarah Halimi, sexagénaire juive dont la mort en 2017 à Paris avait suscité émotion et polémique, a annoncé la fin des investigations. Si l'enquête est terminée, des sources proches du dossier ont confié que la tenue d'un procès demeurait incertaine.

La juge d'instruction Anne Ihuellou a informé les parties de sa décision la semaine dernière. L'heure est désormais aux observations finales des avocats ainsi qu'aux réquisitions du parquet. Elle annoncera ensuite sa décision très attendue sur la tenue ou non d'un procès contre Kobili Traoré, l'unique suspect, mis en examen pour meurtre à caractère antisémite.

Un procès incertain

En deux ans, trois expertises psychiatriques ont été réalisées mais leurs résultats étant contradictoires, les parties civiles craignent que Kobili Traoré, actuellement hospitalisé, soit déclaré comme pénalement irresponsable. Si tel était le cas, il bénéficierait alors d'un non lieu. 

Les trois expertises ont conclu que le jeune homme, qui n'a aucun antécédent psychiatrique et ne souffre d'aucune maladie mentale, a agi lors d'une "bouffée délirante" due à une forte consommation de cannabis. 

Selon, le premier expert le discernement de Kobili Traoré était probablement "altéré", mais pas "aboli" au sens du code pénal. En effet, d'après l'expert il ne pouvait ignorait les effets de sa "consommation volontaire et régulière de cannabis", dès lors sa propre responsabilité est engagée.

Le second groupe d'experts avait conclu, au contraire, à l'abolition du discernement du jeune homme. Une conclusion synonyme d'abandon des poursuites judiciaires.

La juge avait alors fait appel à un nouveau collège d'experts, lequel moins tranché penche "plutôt classiquement vers une abolition du discernement" de Kobili Traoré car "au moment des faits, son libre arbitre était nul".

Pour les avocats de la famille Halimi, Mes Caroline Toby et Francis Szpiner, "l'expert psychiatre ne peut se substituer au juge": en l'absence d'unanimité entre les experts, "il appartient à une juridiction de jugement de discuter les circonstances de purs faits, comme la tentative de maquillage du crime en suicide" ou le choix, selon eux ciblé, de la victime, avant de pouvoir "confirmer ou infirmer les réponses des psychiatres".

Une affaire hautement politisée

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, Kobili Traoré s'était introduit chez sa voisine Lucie Attal - aussi appelée Sarah Halimi - au troisième étage d'un immeuble HLM de Belleville. Aux cris d'"Allah Akbar", entrecoupés d'insultes et de versets du coran, ce jeune musulman de 27 ans l'avait rouée de coups sur son balcon avant de la précipiter dans la cour.

Cette affaire avait relancé le débat sur la persistance de l'antisémitisme dans certains quartiers populaires sous l'effet d'un islam identitaire. La qualification antisémite de ce crime avait donné lieu à un bras de fer entre la juge, qui ne l'avait pas retenu à l'origine, et le parquet de Paris, qui au contraire la réclamait.

En juillet 2017, l'affaire avait définitivement pris une tournure politique lorsque Emmanuel Macron, fraîchement élu président, avait réclamé à la justice "toute la clarté" sur les faits, en présence du Premier ministre israélien alors en visite à Paris.

Aude Solente avec AFP