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Police-Justice

Mayotte: une association dénonce l'opération "Wuambushu", jugée "anti-pauvres" et "brutale"

Sans avoir indiqué de date précise, Paris prévoit une large opération pour déloger des migrants en situation irrégulière des bidonvilles de l'île. Plusieurs centaines de forces de l'ordre de métropole sont venues en renfort.

L'association Droit au logement (DAL) a appelé ce dimanche à stopper l'opération dite "Wuambushu" amorcée à Mayotte par le gouvernement pour endiguer la délinquance et l'immigration illégale, qu'elle qualifie de "brutale" et d'"anti-pauvres".

La France prévoit de déloger des migrants en situation irrégulière des bidonvilles de Mayotte, 101e département français, et d'expulser les sans-papiers, dont la plupart sont des Comoriens, vers Anjouan, l'île comorienne la plus proche située à 70km.

Le gouvernement n'a pas donné de date de lancement ni de fin pour cette opération "Wuambushu" ("reprise" en mahorais). Mais quelque 1800 policiers et gendarmes, dont des centaines de renforts de métropole, sont déjà mobilisés dans le petit archipel de l'océan Indien.

Les jeter "dans la grande misère"

Dans son communiqué, le DAL appelle à l'arrêt de l'opération "anti-pauvres" et qui "confirme une nouvelle régression des politiques du logement des classes populaires: on résorbe l'insalubrité non plus en relogeant les habitants de quartiers informels, mais en les stigmatisant pour mieux justifier leur expulsion".

Cette opération "d'une ampleur inédite en France depuis un siècle", selon le DAL, risque de "briser des familles" et de les jeter "dans la grande misère", redoute l'association.

Elle s'inquiète par ailleurs d'une mesure d'exception prévue dans la loi du 22 novembre 2018 sur le logement. Selon son article 197, "à Mayotte et en Guyane, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel (...) et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique" le préfet peut par arrêté ordonner aux occupants d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition.

Respecter "certaines conditions"

"Le préfet doit toutefois respecter certaines conditions", souligne le DAL, comme "afficher l'arrêté un mois à l'avance, sur les habitations concernées et en mairie, auquel est annexé une proposition de relogement ou d'hébergement pour le ou les occupants".

Or le DAL estime que Mayotte "ne dispose pas des moyens suffisant de relogement ni même d'hébergement au regard du nombre d'expulsions/destructions envisagées". "Quant aux bandes délinquantes, qui sont la principale justification de l'opération, elles auront pris leur dispositions pour disparaître avant la date annoncée", prévoit l'association.

Selon l'Insee, près de la moitié de la population de Mayotte ne possède pas la nationalité française, mais un tiers des étrangers sont nés sur l'île. En 2022, les autorités ont procédé à 25.380 reconduites à la frontière, selon la préfecture de Mayotte.

S.R. avec AFP