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Mariage homo: vers une interdiction du "printemps français"?

Beatrice Bourges, la porte-parole du Printemps français, ce 24 mai 2013.

Beatrice Bourges, la porte-parole du Printemps français, ce 24 mai 2013. - -

Après un communiqué radical du "printemps français", Manuel Valls a dit réfléchir à interdire ce mouvement, qui appelle à des actions coup de poing contre le mariage homosexuel. Mais qui est à l'origine de ce mouvement, et comment l'interdire?

Depuis quelques semaines, l’opposition au mariage homosexuel a pris une tournure radicale. Débordements, menaces, l’ambiance est tendue, malgré la validation et la promulgation de la loi. Les opposants appellent à une nouvelle manifestation le 26 mai.

Parmi les opposants, le Printemps français, un mouvement issu de la "Manif pour tous", qui s'en est depuis clairement éloigné. Un mouvement qui ne cache pas sa volonté de passer à des actions radicales: dans un communiqué publié le 22 mai, il affirme même "cibler" "le gouvernement actuel et tous ses appendices, les partis politiques de la collaboration, les lobbies (...)".

Manuel Valls n'a pas caché son "inquiétude" face à ces "menaces", et envisage "l'interdiction" du Printemps français. Retour sur un groupe contesté, dans la ligne de mire du gouvernement.

> De la "Manif pour tous" au Printemps français

Derrière ce mouvement, on trouve Béatrice Bourges. La cinquantaine, originaire de Versailles, elle a été candidate divers-droite aux élections législatives de 2002 et 2010, et est engagée depuis longtemps contre le mariage homosexuel. Au fur et à mesure de la montée de la contestation contre la loi sur le mariage homosexuel, elle se rapproche de Frigide Barjot et devient porte-parole de la "Manif pour tous".

Mais le 24 mars, la grande manifestation à Paris contre le mariage homo vire à l’affrontement avec les forces de l’ordre, des gaz lacrymogènes sont utilisés. Béatrice Bourges refuse de condamner les violences. Elle est écartée du mouvement, et devient la représentante du Printemps français. Depuis, les deux mouvements affichent leurs différences. Le printemps français juge ainsi les actions de la "Manif pour tous" "trop bisounours".

> Un site internet et des références de gauche

Difficile de cerner réellement ce mouvement, dont la principale vitrine est un site internet, sur lequel on retrouve les symboles traditionnels de la gauche – poings levés, et slogans tels que "on lâche rien". Son credo, lui, est clair: la "résistance" face à la loi sur le mariage homosexuel.

Quant aux références de ce mouvement, les proches font volontiers référence au printemps de Prague, au mouvement polonais de Solidarnoscz ou encore aux manifestations du printemps arabe. Mais en réalité, rappelle Libération.fr, le mouvement agrège des groupes radicaux, proches des catholiques et traditionalistes et de l’extrême droite. Parmi eux, Civitas ou encore Renouveau français.

> Un statut juridique flou

Le Printemps français est-il un simple mouvement, un groupuscule ou une association? De rapides recherches au Journal officiel - qui publie systématiquement toutes les déclarations d'association en France - permettent d'affirmer qu'il ne s'agit pas d'une association loi 1901.

La seule preuve de son existence est le dépôt par sa fondatrice de l'expression auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), quelques jours avant l'annonce de sa création. Un dépôt qui n'assure en rien l'existence légale du mouvement. Le Printemps français n'a donc ni statut juridique, ni membres officiels, ni local.

> Comment l'interdire?

Mais "ce n'est pas parce qu'un groupe n'est pas constitué en association, qu'on ne peut pas l'interdire", rappelle le spécialiste de l'extrême-droite, Jean-Yves Camus.

Pour dissoudre le Printemps français, le ministère de l'Intérieur pourrait donc s'appuyer sur le code de sécurité intérieure (art. L212-1), qui prévoit la dissolution de "groupes de combat et milices privées". Or, "le Printemps français est un groupement de fait, tel qu'il est décrit par cette loi, rappelle Jean-Yves Camus. Il n'est pas une association, mais il existe: il a un site internet, une porte-parole, il émet des communiqués. Il peut donc être dissous d'après cette loi".

Le texte, issu de la loi du 10 janvier 1936, vise notamment les groupes "qui provoquent à des manifestations armées dans la rue", "dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine" ou qui "provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes".

> Une dissolution "symbolique"

El les précédents existent: en juin 2005, Dominique de Villepin avait ainsi ordonné la dissolution d'Elsass Korps, un groupe de néonazis alsaciens, non constitué en association. Unité Radicale, le groupe dont était proche Maxime Brunerie, qui avait pour projet de descendre Jacques Chirac, avait également été dissous, cette fois par le Président de la République, en 2002.

Concrètement, quel est l'effet d'une dissolution sur un groupe qui n'a pas de statut juridique? "Elle permet d'enclencher des poursuites à l'encontre des personnes qui tenteraient une reconstitution du groupe", explique Jean-Yves Camus.

Mais Jean-Yves Camus rappelle que "ce genre d'actions est surtout symbolique: on sait par exemple qu'après sa dissolution, Unité Radicale s'est reformée sous un autre nom. C'est la même chose sur Internet: un site dont l'hébergement sera interdit par la France trouvera toujours un autre hébergeur à l'étranger." En choisissant de dissoudre un groupuscule, le gouvernement prend donc le risque de le faire basculer dans la clandestinité.


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Ariane Kujawski