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Police-Justice

Maintien du plan Vigipirate: peut-on encore continuer longtemps?

122.000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate en France.

122.000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate en France. - Kenzo Tribouillard - AFP

La mobilisation de 122.000 policiers, gendarmes et militaires sur le territoire dans le cadre du plan Vigipirate représente un défi pour les différents services en termes d'organisation. Suppression des repos, accumulation des heures supplémentaires… la situation ne risque pas de s'arranger alors que Manuel Valls a annoncé le maintien du dispositif.

Au lendemain des attaques de Copenhague au Danemark, qui ne sont pas sans rappeler le mode opératoire des attentats de Paris début janvier, des risques terroristes pèseraient toujours sur la France. "Il faut dire la vérité aux Français: il faut s'habituer à vivre avec cette menace terroriste", a rappelé avec fermeté Manuel Valls, lundi matin sur RTL. Un constat qui justifie le maintien du plan VigiPirate "autant que nécessaire", assure le Premier ministre.

En pratique, depuis le 7 janvier, tous les services des forces de l'ordre sont mobilisés pour assurer la sécurité des lieux publics, grands magasins, sites touristiques, transports, et des 830 lieux jugés sensibles, comme les lieux de cultes, les bâtiments diplomatiques et consulaires ou les organes de presse. Près de 5.000 policiers sont ainsi déployés aux abords des 717 écoles ou lieux de culte juifs. 

Défi logistique pour l'armée française

Au total, ce sont 122.000 policiers, gendarmes et militaires qui assurent la protection du territoire, que ce soit dans le cadre du plan Vigipirate à l'échelon "alerte attentat" en Ile-de-France et dans les Alpes-Maritimes, et du plan Vigipirate "renforcé" dans le reste de la France.

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Le déploiement de 10.500 militaires sur le sol français dans le cadre de l'opération désormais baptisée "Sentinelle" coûte un million d'euros par jour. Avant les attentats, ils n'étaient que 2.500 sur le territoire français, soit quatre fois moins. Une telle mobilisation représente donc un défi logistique mais aussi d'engagement pour l'armée française, finalement peu habituée à ce type d'opération pour ces hommes qui rentrent du Mali, de Centrafrique ou d'Afghanistan. 

Un maintien possible jusqu'au milieu de l'année

Il s'agit également de faire face à la gestion des ressources humaines. "Pour le moment, nous sommes dans une période particulière, c'est bien la mission qui prime", concède Jean-Hugues Matelly, lieutenant-colonel de gendarmerie et président de l'association professionnelle GendXXI. "Mais avec le dispositif actuel qui conserve le même volume de soutenabilité, on ne pourra tenir que trois mois". 

Pour l'heure, les militaires ne comptent pas leurs heures, leur administration joue sur le décalage des permissions, mais si le plan Vigipirate devait être prolongé sur le long terme, l'armée se dirige vers de grandes difficultés de gestion et de relève, qui pourront se répercuter d'ici le milieu de l'année. "Les militaires ont des familles et des enfants", rappelle Jean-Hugues Matelly. "Nous allons rencontrer des problèmes dans le recyclage des hommes, entre les formations, ceux qui rentrent d'opérations extérieures doivent récupérer, et ceux qui partent doivent s'entraîner, se conditionner". 

20 millions d'heures supplémentaires

Le constat est le même du côté des policiers, où la suppression des jours de repos, l'accumulation des heures supplémentaires, les restrictions de vacances ou la suspension de la formation des agents sont devenues un quotidien. Au 31 décembre, on dénombrait au sein des forces de police un total de 19 millions d'heures supplémentaires acquises, et non payables, à l'exception des CRS. "Habituellement, on accumule un million d'heures supplémentaires par an", détaille Philippe Capon, secrétaire général de l'UNSA police. "Dans cette situation, les 20 millions vont être très vite atteintes".

Alors que l'opérationnel prime désormais sur les missions des forces de police, ces dernières craignent de ne devoir désormais répondre qu'à des missions d'intervention, mettant de côté la mission de sécurité privée. "Le maintien du plan Vigipirate est possible, combien de temps je ne sais pas", prévient Philippe Capon. "Mais il va falloir faire travailler les forces de l'ordre avec des horaires et un fonctionnement raisonnables, (car) nous ne sommes plus dans un système rationnel". Le responsable syndical fait remarquer que dans les textes ces niveaux d'alerte sont prévus pour durer de manière "limitée", voire "très limitée".

Justine Chevalier