BFMTV
Police-Justice

Loi Travail: 48 enquêtes judiciaires pour violences policières

Des CRS bloquent une avenue parisienne à l'occasion de la manifestation contre la loi Travail du 14 avril 2016.

Des CRS bloquent une avenue parisienne à l'occasion de la manifestation contre la loi Travail du 14 avril 2016. - Thomas Samson - AFP

Quarante-huit enquêtes judiciaires ont été ouvertes par la "police des polices" après des accusations de violences policières en France depuis le début des manifestations contre la loi Travail, a annoncé sa directrice.

Alors que les vidéo de manifestations - parfois à charge contre certaines dérives policières - se multiplient sur les réseaux sociaux, la "police des polices" s'est livrée à un "exercice de transparence", comme elle le fait depuis quatre ans devant la presse. 

"Il y a eu 48 enquêtes judiciaires ouvertes, principalement à Paris et Rennes, concernant exclusivement des violences" depuis le début des manifestations contre la loi Travail, a affirmé la directrice de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), Marie-France Moneger Guyomarch, en présentant son traditionnel bilan 2015. Mais "il faut les mettre en parallèle avec les quelque 1.500 manifestations" souvent "violentes", a-t-elle toutefois nuancé. 

Les vidéos amateur, "la grande nouveauté"

"Sur ces plaintes, auxquelles s'ajoutent 22 signalements, beaucoup disent être des passants et se retrouvent en fait souvent (pris) dans les charges de la police", a-t-elle ajouté. "Tout le monde filme tout le monde et cela circule sur les réseaux sociaux", c'est "la grande nouveauté", a-t-elle souligné.

De plus en plus de vidéastes postent leurs travaux sur les réseaux sociaux, offrant une caisse de résonance sans pareille aux violences policières. Certaines ont particulièrement marqué les esprits, à l'instar de celle du coup de poing asséné par un policier sur un mineur, scolarisé au lycée parisien Henri-Bergson, en marge de la mobilisation du 24 mars.

"Les opérations de maintien de l'ordre sont compliquées"

Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie-officiers, met en garde contre la diffusion d'images sorties de leur contexte.

"Il peut y avoir des mauvais gestes mais il n’y a pas une conscience collective des policiers qui les amènerait à se lâcher sur les manifestants. Les opérations de maintien de l’ordre sont compliquées", nuance-t-il dans les colonnes du Monde. "Il n’y a pas eu d’affaires de violences dures".

Il y a bien pourtant eu ce manifestant de 20 ans, qui a perdu un oeil à Rennes, lors d'une manifestation de maintien de l'ordre. 

Romain D.: témoignages à charge contre les policiers

Quant à Romain D., le jeune homme blessé grièvement à la tête après l'usage par un policier d'une grenade dissuasive dite de désencerclement pendant la manifestation du 26 mai à Paris, la directrice de la "police des polices" a précisé que ses enquêteurs ont visionné toutes les images, écouté les trafics radio et effectué des enquêtes de voisinage.

"Il y a un nombre non négligeable de personnes qui disent qu’ils ne sont que des passants et qui se sont trouvés dans des charges", a-t-elle relaté. 

Dans cette affaire comme d'autres, "les (policiers) mis en cause" sont entendus "à la fin" des investigations, a-t-elle encore fait valoir. "Nous en sommes au trois-quarts (de l'enquête)", selon elle. Le jeune homme, lui, est sorti du coma.

Les journalistes pris pour cibles, s'alarment les syndicats

Enfin, de plus en plus de journalistes se témoignent avoir été pris à partie par les forces de l'ordre. Dans un communiqué commun, plusieurs syndicats de journalistes s'alarme de la multiplication des "atteintes aux journalistes" depuis les début du mouvement social contre la loi Travail.

"Les journalistes sont devenus des cibles privilégiées, pour une partie importante des forces de l’ordre, coupables depuis début mars de nombreuses exactions", déplorent les cosignataires, le SNJ-CGT, le SNJ et la Fédération internationale des journalistes. 

A titre d'exemple, jeudi dernier, à Rennes, "plusieurs journalistes, notamment de France 3 et de M6, ont été agressés par des représentants des forces de l’ordre: appareils photos ou caméras endommagés, confrères molestés et coups de matraque", ont souligné les syndicats de journalistes. 

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, les a reçu ce lundi, et leur a rappelé qu'il avait demandé, vendredi, la rédaction d'une circulaire pour l’Ille-et-Vilaine, dénonçant des "comportements discutables" de policiers. 

Nombre d'enquêtes administratives en "légère hausse"

Concernant le bilan de l'IGPN, Marie-France Moneger Guyomarch a relevé que le nombre d'enquêtes administratives dont il est saisi est en "légère hausse" par rapport aux autres années. Un total de 213 policiers ont fait l'objet de blâmes ou avertissements, contre 125 en 2014, mais les procédures avaient pris du retard en raison des élections professionnelles dans la police.

Elle a aussi évoqué la plateforme internet de signalement ouverte en 2013 et permettant de signaler des dérapages. Plus de 1.000 concernent des interventions de police contestées sur, selon elle, 1,6 million d'interventions par an.

L'IGPN va progressivement mettre en place un outil mesurant, analysant et comptabilisant le nombre de policiers blessés en service, a-t-elle annoncé, un sujet très sensible dans la police.

Elle a par ailleurs noté que les policiers ont de plus en plus recours à l'usage du pistolet à impulsions électriques (PIE) dans leurs interventions mais pas en mode de tir, "en pointage" en utilisant le laser pour menacer un éventuel récalcitrant. "Cela a un effet dissuasif", a-t-elle souligné.

C. P. avec AFP