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Loi contre les "fake news": ce que contiennent les deux textes

Le président de la République Emmanuel Macron, le 5 juin 2018 à l'Elysée à Paris.

Le président de la République Emmanuel Macron, le 5 juin 2018 à l'Elysée à Paris. - Philippe Wojazer - pool - AFP

Les débats s'ouvrent ce jeudi à l'Assemblée sur deux textes visant à lutter contre les "fake news", une loi voulue par Emmanuel Macron.

Les débats sur les deux propositions de loi controversés visant à lutter contre "la manipulation de l'information" s'ouvrent ce jeudi à l'Assemblée nationale. 

Ces deux propositions de loi du groupe LaREM - l'une ordinaire, l'autre organique pour la présidentielle - visent notamment à permettre à un candidat ou à un parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations" durant les trois mois précédant celui d'un scrutin national. 

Dans l'entre-deux tours de la présidentielle, une fausse information sur la détention par Emmanuel Macron d'un compte aux Bahamas, évoquée par Marine Le Pen lors du débat télévisé, avait été ainsi partagée plusieurs centaines de milliers de fois en quelques heures.

Statuant dans un délai de 48 heures, le juge des référés pourra ainsi prononcer le retrait ou blocage du contenu illicite à l'encontre des hébergeurs de contenus et fournisseurs d'accès à Internet.

Une restriction limitée aux cas de "mauvaise foi"

Les députés ont déjà en partie réécrit la proposition de loi du groupe LaREM en commission. L'objet n'est désormais plus la lutte contre les "fausses informations", mais "contre la manipulation de l'information". 

Selon le texte, une "fausse information" est "toute allégation ou imputation d'un fait dépourvu d'éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable".

Pour protéger les journalistes, la procédure de référé sera limitée "aux cas dans lesquels il est établi que la diffusion de fausses informations procède de la mauvaise foi". Il ne s'agit pas non plus de "lutter contre de fausses informations diffusées à des fins humoristiques, satiriques ou par erreur". 

Pendant les trois mois précédant une élection, des obligations de transparence renforcées seront imposées aux plateformes numériques, pour permettre notamment aux internautes de connaître l'annonceur de contenus sponsorisés, ainsi que la somme versée.

Un texte "potentiellement dangereux" estiment certains syndicats de journalistes

Les députés ont renforcé cet aspect en adoptant notamment un amendement pour inciter "les plateformes, agences de presse, éditeurs en ligne, annonceurs et organisations représentatives de journalistes" à se réunir régulièrement. Ils ont également adopté plusieurs amendements pour renforcer l'éducation aux médias. 

Mais, pour des syndicats de journalistes comme le SNJ, ce texte reste "inefficace et potentiellement dangereux car on met le pas vers quelque chose qui pourrait conduire à de la censure". 

Risque de judiciarisation du combat politique, d'autocensure, droite et gauche avaient déjà exprimé leurs craintes en commission. Depuis leur opposition s'est durcie

Les pouvoirs du CSA élargis

La réponse, législative ou non, aux "fake news" est un débat qui traverse l'Europe. Refusant à ce stade de légiférer, la Commission européenne a demandé aux plateformes de s'accorder d'ici l'été sur "un code de bonnes pratiques pour lutter contre la désinformation".

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourrait, lui, empêcher, suspendre ou mettre fin à la diffusion de services de télévision contrôlés "par un État étranger ou sous l'influence de cet État", et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Sans être cités, la chaîne russe RT (Russia Today) et le site Sputnik sont dans le collimateur, accusés par Emmanuel Macron d'agir pour le Kremlin en "organes d'influence" et "de propagande mensongère".

"Il s'agit de la bataille pour le 'soft' pouvoir après que les Russes ont pris pied dans un domaine où les USA régnaient seuls jusque-là", a critiqué Jean-Luc Mélenchon sur son blog, dénonçant un "Macron bon élève des USA".

Plus de 200 amendements déposés

Plusieurs dispositions visent enfin à renforcer l'éducation aux médias à l'école, "très en deçà des enjeux actuels", selon l'autre rapporteur Bruno Studer (LaREM), président de la commission des Affaires culturelles et de l'Education. L'une veut ainsi instaurer au collège une formation "à l'analyse critique de l'information disponible".

Les débats pourraient ne pas s'achever jeudi soir et reprendre à une date ultérieure: plus de 200 amendements ont été déposés, dont de nombreux de La France Insoumise sur la concentration des médias, la nomination des membres du CSA, les aides à la presse, la création d'un conseil de la déontologie, etc. Thèmes "intéressants" pour Bruno Studer, mais hors du sujet de ces textes "restreints".

L.A., avec AFP