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Les producteurs français de tabac menacés de mort

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par Claude Canellas SARLAT-LA-CANEDA, Dordogne (Reuters) - Les derniers cultivateurs de tabac français envisagent de mettre la clé sous le paillasson...

par Claude Canellas

SARLAT-LA-CANEDA, Dordogne (Reuters) - Les derniers cultivateurs de tabac français envisagent de mettre la clé sous le paillasson si l'Etat ne prend pas le relais de l'Union européenne, qui a pratiquement cessé d'aider leur production.

Depuis les premières plantations au XVIIe siècle à Clairac, dans le Lot-et-Garonne, ce secteur s'était développé. En 1950, 105.000 producteurs s'adonnaient à cette activité sur 28.000 hectares et 55 départements, dont la Dordogne.

Aujourd'hui, ils ne sont plus 3.100 exploitants sur 6.750 hectares pour une production annuelle de 18.500 tonnes, dont 96% de variétés blondes, le tabac brun traditionnel étant passé de mode, ce qui fait de la France le 5e pays producteur européen, loin derrière l'Italie (97.800 tonnes).

En Dordogne, terre historique du tabac en France, où est implantée la seule usine de première transformation, l'arrêt des aides européennes est vécu comme un drame.

Les subventions de la Politique agricole commune (Pac) ne désormais sont plus liées à la production de tabac, mais les cultivateurs reçoivent une prime à l'hectare pour une culture qui est mal vue en raison de la lutte contre le tabagisme.

"J'ARRÊTERAI"

Les derniers cultivateurs de la plante demandent donc à l'Etat de prendre le relais pour pouvoir survivre.

"Si on n'a rien, j'arrêterai", explique Philippe Saphary, un exploitant de 55 ans à Saint-Laurent-la-Vallée (Dordogne). "On vendait le tabac 4 euros le kilos, et sans aides on est aujourd'hui à 3 euros. Ce n'est plus rentable. Si j'arrête, il ne me restera qu'à aller travailler à la scierie."

La culture du tabac assure plus de 50% des revenus pour une surface de trois hectares plantées sur les 30 hectares qu'il possède sur lesquels il élève aussi 20 vaches blondes d'Aquitaine.

Pour lui "le tabac c'était la production la plus stable jusqu'à la suppression des primes".

Si les anciens peuvent penser à la retraite, c'est tout un projet de vie qui risque de s'écrouler pour les jeunes exploitants, comme Magali Gayerie, 28 ans.

Exploitante depuis 2003 de 110 hectares situés à Saint-Rabier, dans l'est de la Dordogne, elle compte sur ses deux hectares de tabac pour assurer 25% des revenus de la ferme.

"On replante en mai. Il y a une promesse qui a été faite. Si on n'a pas cette enveloppe, ça remettra en question beaucoup de choses. Il est clair que j'arrêterai le tabac mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je ferai car aucune autre production en France ne permet une certaine rentabilité sur si peu de surface", explique-t-elle.

"Ce seront quatre générations de tabaculture sur la ferme qui vont être effacées", ajoute l'agricultrice.

AIDE INVISIBLE

Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a promis le 3 novembre dernier 12 millions d'euros en 2010 pour compenser une perte de 40 millions d'aides sous la pression d'un millier de producteurs venus manifester devant l'Assemblée nationale.

Mais à ce jour "on n'a rien vu, tout simplement parce que ces aides ont finalement été destinées à soutenir les investissements, inexistants dans une période d'incertitude pour l'avenir", souligne Didier Ther, directeur de la coopérative Périgord-Tabac, qui regroupe 477 producteurs.

Les clients manufacturiers ont compris l'enjeu et ont accepté une augmentation du prix d'achat du tabac de 80%, mais cela ne suffit pas à éviter une situation jugée désespérée.

"Il faut faire quelque chose pour que les producteurs ne boivent pas le bouillon", dit Pierre Haein, directeur de l'Union des coopératives France-Tabac.

La filière se plaint de pâtir d'une mauvaise image alors qu'il n'y aurait aucun lien entre production et consommation.

L'Europe, qui importe déjà 75% de sa consommation, notamment de pays comme l'Inde ou le Brésil où cette culture, qui nécessite beaucoup de main-d'oeuvre, explose, risque donc de dépendre entièrement des pays tiers pour sa production.

Edité par Yves Clarisse