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Police-Justice

Les dessous de l'affaire Polanski

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Détenu en Suisse, le cinéaste Roman Polanski, fort du soutien des politiques et artistes européens, refuse d'être extradé aux Etats-Unis. Décryptage d'une affaire de mœurs qui remonte à plus de 30 ans...

Roman Polanski est toujours en détention en Suisse après son arrestation samedi 26 septembre en vertu d'un mandat d'arrêt américain pour une affaire de mœurs avec une mineure remontant à 1977. Le cinéaste a refusé hier lundi d'être extradé vers les Etats-Unis. Le procureur de Los Angeles, qui veut demander l'extradition, dispose de 40 jours pour cela. De leur côté, les avocats du réalisateur ont entrepris des démarches pour demander sa remise en liberté immédiate, éventuellement sous conditions. Cela signifie qu'il pourrait être remis en liberté mais astreint à résidence en Suisse, le temps de la procédure d'extradition qui peut être longue.

« En fuite » depuis 1978

Arrêté en 1977 à Los Angeles pour des « relations sexuelles illégales » avec une mineure de 13 ans, le cinéaste avait alors plaidé coupable. En vertu de l'accord judiciaire, il aurait été condamné à 42 jours de prison, qu'il avait déjà purgés. Mais Polanski n'a pas attendu le prononcé de la peine, persuadé que le juge, décédé depuis, s'apprêtait à modifier les termes de l'accord et à l'envoyer de nombreuses années derrière les barreaux. Il a pris la fuite en France en 1978 et n'a plus jamais remis les pieds aux Etats-Unis.

« Polanski n'est pas un danger pour la société »

Le réalisateur franco-polonais a reçu la visite de ses avocats français et suisse, et de son épouse l'actrice française Emmanuelle Seigner hier lundi. Ils l'ont décrit choqué mais combatif. L'un d'eux, Maître Hervé Temime, dénonce un « acharnement », une situation « ubuesque » et « injuste » pour son client : « l'extradition est demandée 32 ans après les faits. 32 ans pendant lesquels le moins qu'on puisse dire c'est que Roman Polanski n'a pas manifesté qu'il était un danger pour la société. Depuis une vingtaine d'années, on sait que la victime supposée s'est désistée de toute demande. Et aujourd'hui, elle ne souhaite plus qu'une chose, c'est qu'il n'y ait plus de poursuite contre Roman Polanski. Et par rapport au droit suisse, cette affaire concerne des faits qui sont prescrits. »

« Soutien sans faille » de Jack Lang & Co

Après Bernard Kouchner et Frédéric Mitterrand, l'ancien ministre de la Culture Jack Lang a apporté ce matin son « soutien sans faille » à Roman Polanski : « Parce que, explique-t-il, les faits remontent à plus de 30 ans - il y a donc prescription -, et la jeune femme a retiré sa plainte et demande l'indulgence. »
S'interrogeant sur le fait que cette affaire ressurgisse tout à coup aujourd'hui, « avec cette brutalité, alors que Polanski va souvent en Suisse [ndlr, il y possède en effet une maison] », Jack Lang poursuit : « C'est déjà arrivé que tel magistrat ait envie de "se payer" une personnalité. Mais c'est vraiment très étrange que ça tombe maintenant, pourquoi ? Depuis 30 ans, jamais il n'a fait l'objet d'une telle mesure. Je ne comprends pas. » Et Jack Lang d'avancer une hypothèse : « Roman Polanski paye aujourd'hui le prix des excès du formalisme du système juridictionnel américain, qui est parfois comme une sorte de machine infernale, qui se met en mouvement, inexorablement, aveuglément, et qui, même si le temps a passé, continue sa marche. »

« La justice américaine aurait pu le rattraper plus tôt... »

Quelque peu choquée par la mobilisation culturelle et diplomatique autour de Roman Polanski, Brigitte Bancel-Cabiac, présidente de L'enfant Bleu, enfance maltraitée dénonce « un amalgame » : « Tout ce tapage médiatique m'étonne. Est-il normal qu'un homme de plus de 40 ans ait des relations sexuelles avec une jeune enfant de 13 ans ? Je pense qu'on fait un amalgame : ce monsieur est sans aucun doute un réalisateur très talentueux, c'est néanmoins un homme. Et à ce titre-là, il est soumis à toutes les règles sociales, sociétales de notre monde actuel. » Soulignant à nouveau la notoriété du réalisateur, elle tempère : « Je pense que la justice américaine avait les moyens de le rattraper plus tôt. Donc on peut s'étonner qu'on ait mis autant de temps pour le faire... »

Son arrestation précipitée par ses avocats ?

Le parquet de Los Angeles a indiqué avoir planifié l'arrestation de Roman Polanski la semaine dernière, après avoir eu vent de la prochaine venue du cinéaste à Zurich. Mais selon le Los Angeles Times, les avocats de ce dernier auraient précipité les événements. En juillet, ses avocats américains auraient ainsi réclamé devant la justice l'abandon des poursuites, estimant que l'absence d'effort sérieux pour faire arrêter Roman Polanski était une preuve de la faiblesse de l'accusation. Ces remarques auraient poussé le bureau du procureur à chercher une occasion rapide d'arrêter le cinéaste. Occasion toute trouvée en Suisse, qui a un traité d'extradition avec les Etats-Unis...

La rédaction, avec Aurélia Manoli-Bourdin & Co