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Les "affaires" ne modifient pas la donne pour 2012

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par Sophie Louet PARIS (Reuters) - La multiplication des affaires politico-judiciaires qui touchent les partis de gouvernement en France n'ont pour...

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - La multiplication des affaires politico-judiciaires qui touchent les partis de gouvernement en France n'ont pour l'heure peu ou pas d'incidence sur les intentions de vote en faveur des candidats "anti-système" à l'élection présidentielle de 2012.

Mais elles pourraient favoriser à terme une abstention de défiance, estiment des analystes.

Le Parti socialiste et l'UMP, qui font la course en tête dans les sondages, sont concernés par les "affaires" dont Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement des citoyens (MDC), craint "qu'elles ne finissent par polluer la campagne".

Affaire Guérini, soupçons de financement occulte à la fédération du Pas-de-Calais pour le PS, déjà privé de son ex-champion Dominique Strauss-Kahn éliminé de la course en raison de son comportement privé; affaires Karachi ou Bettencourt pour la droite : François Hollande et le président sortant Nicolas Sarkozy, son probable rival en 2012, sont affectés.

La candidate du Front national, Marine Le Pen, a fait de la lutte contre la corruption l'un de ses thèmes pour 2012. Le président du Mouvement Démocrate, François Bayrou, se présente en tenant de la probité. Le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, clame : "Qu'ils s'en aillent tous!".

Paradoxalement, note Gaël Sliman, "ce type de déballage n'avantage pas Marine Le Pen, François Bayrou ou Jean-Luc Mélenchon, des gens qui se présentent d'une manière ou d'une autre comme des 'anti-système'".

"Ça arrivera peut-être pendant la campagne, mais ce qui est troublant, c'est que pendant tout l'automne, où on a énormément parlé des affaires, le vote pour les trois principaux 'anti-système' était stable, à des bas niveaux par rapport à leurs niveaux antérieurs avant les affaires", a dit à Reuters le directeur du pôle opinion de BVA.

Marine Le Pen, par exemple, "n'a rien gagné au moment des grosses polémiques sur les affaires (Guérini, Karachi...)".

"FATALISME"

Dans un sondage CSA pour BFM TV, 20 Minutes et RMC Info diffusé jeudi, la présidente du FN est stable à 16% d'intentions de vote et François Bayrou confirme sa percée à 11% (après 13% pour LH2), un phénomène "normal" déjà observé en décembre 2006 pour "le troisième homme" de la présidentielle de 2007 (18,57%) dû à son entrée en lice officielle, selon les sondeurs.

"Les affaires n'ont jamais fait une campagne, mais ça peut participer d'un climat, ça légitime le descriptif de Mme Le Pen. Si le financement occulte dans la fédération du Pas-de-Calais est avéré, ça viendra valider ce qu'elle dit localement et nationalement depuis des années", estime Jérôme Fourquet.

"Et ça viendrait mettre aussi en difficulté la campagne de François Hollande", ajoute le directeur adjoint du département Opinion de l'Ifop.

Taxé de mensonge par Marine Le Pen, le candidat socialiste, qui dirigea le PS durant 11 ans (1997-2008), assure ne pas avoir eu connaissance d'une quelconque dysfonctionnement financier dans la fédération du Pas-de-Calais.

"On ne peut pas dire que ce climat fait le jeu du Front national, le vote anti-système aujourd'hui est plus de l'ordre économique et social", analyse Jean-François Doridot, d'Ipsos.

Pour Jérôme Fourquet, "ça renforce l'idée d'une France à deux vitesses avec des élites qui ne sont pas exemplaires". "Une France d'en bas et une France d'en haut qui s'en sortirait mieux parce qu'elle aurait les moyens de détourner de l'argent", complète Jean-François Doridot.

Gaël Sliman décèle "une forme de fatalisme" préexistant au scrutin de 2012 : "Les Français sont convaincus que les affaires politico-financières sont nombreuses, ont toujours existé et existeront toujours".

"LA COUPE EST PLEINE"

L'ancien président Jacques Chirac a été condamné jeudi à deux ans de prison avec sursis dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, tandis que l'un de ses anciens ministres, Renaud Donnedieu de Vabres, était mis en examen dans le dossier Karachi sur des soupçons de corruption en marge de l'élection présidentielle de 1995, dossier auquel Nicolas Sarkozy s'affirme totalement étranger.

"Ce qui est nouveau dans cette campagne, c'est que les affaires ne touchent pas directement les candidats pour l'instant", relève Jérôme Fourquet.

Lors de la campagne de 1995, trois mois avant le premier tour, éclatait "l'affaire des terrains de Vigneux" visant la belle-famille de Jacques Chirac. Une manoeuvre imputée au camp Balladur. Lors de la pré-campagne de 2002, le socialiste Lionel Jospin avait été contraint de se justifier sur l'achat d'une résidence sur l'île de Ré, imputé à tort à des fonds secrets.

"Il ne s'agit pas de dire que les affaires ne comptent pas, mais elles sont déjà dans l'esprit de nos concitoyens. Ils ne font pas de différence entre la gauche et la droite, et une affaire de plus ou de moins, ça ne change pas forcément la face des choses", affirme Jean-François Doridot.

Gaël Sliman y voit même la preuve d'un certain "pragmatisme", voire d'un "cynisme" des électeurs français.

"Les affaires, ça n'est pas l'alpha et l'omega de leur jugement sur les hommes politiques. Les Français attendent avant tout de leur classe politique qu'elle leur donne le sentiment qu'elle pourra résoudre leurs problèmes", explique-t-il.

"L'honnêteté, de la même manière que la fidélité dans le couple, ne sont pas des vertus cardinales en France comme elles peuvent peut-être dans des pays anglo-saxons", ajoute-t-il.

Les analystes s'accordent toutefois à penser qu'un réflexe d'abstention pourrait guider les électeurs, au motif que "la coupe est pleine", entre crise financière et corruption.

"Une partie des Français pourrait ainsi exprimer la distance, le mépris, l'abandon qu'elle ressent", résume Jérôme Fourquet.

Edité par Yves Clarisse