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Police-Justice

Le statut du procureur français mis en cause par la CEDH

Vue de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. Le procureur français ne peut pas contrôler une garde à vue parce qu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif et ne peut donc exercer une fonction judiciaire, selon un arrêt rendu par la CE

Vue de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. Le procureur français ne peut pas contrôler une garde à vue parce qu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif et ne peut donc exercer une fonction judiciaire, selon un arrêt rendu par la CE - -

STRASBOURG (Reuters) - Le procureur français ne peut pas contrôler une garde à vue parce qu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif et ne peut...

STRASBOURG (Reuters) - Le procureur français ne peut pas contrôler une garde à vue parce qu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif et ne peut donc exercer une fonction judiciaire, dit la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans un arrêt rendu mardi.

Cette décision met le gouvernement français dans l'embarras, notamment pour son projet de réforme de la garde à vue actuellement en cours, une procédure coercitive qui concerne plus de 900.000 personnes par an.

Le ministère de la Justice français a cependant déclaré que la France allait faire appel devant une formation de deuxième instance de la Cour de Strasbourg.

"Nous ne partageons ni le raisonnement ni l'analyse de la Cour", a dit un porte-parole du ministère de la Justice.

La juridiction du Conseil de l'Europe avait mis en doute l'indépendance du parquet français une première fois en 2008, dans une autre affaire, mais l'argument avait été abandonné en appel deux ans plus tard.

La Cour précise cette fois clairement ses arguments dans le nouvel arrêt où elle conclut à la violation des droits de France Moulin, une avocate placée en garde à vue pendant cinq jours, à Orléans puis à Toulouse, avant d'être mise en examen par un juge d'instruction.

Elle avait été présentée au procureur adjoint de Toulouse deux jours après son arrestation, ce qui ne répond pas, selon les juges de Strasbourg, aux critères de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cet article, relatif au droit à la liberté et à la sûreté, affirme que "toute personne arrêtée ou détenue (.) doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires".

"Le procureur adjoint de Toulouse, membre du ministère public, ne remplissait pas les garanties d'indépendance pour être qualifié, au sens de cette disposition, de 'juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires'", concluent à l'unanimité les juges européens.

Ils soulignent que les membres du parquet en France sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des Sceaux. "Ils ne sont pas inamovibles et le pouvoir disciplinaire les concernant est confié au ministre", rappelle l'arrêt.

Ils sont en outre susceptibles de porter l'accusation ultérieurement contre la personne placée en garde à vue, ce qui est incompatible avec les règles européennes.

Cet arrêt, s'il est confirmé en appel, pourrait porter le coup de grâce à la réforme lancée par Nicolas Sarkozy en 2009 mais aujourd'hui ajournée et qui prévoyait de supprimer les juges d'instruction pour confier toutes les enquêtes pénales aux procureurs, sans modifier leur statut.

Le rôle de procureurs dans certaines affaires sensibles, notamment celle visant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, a été vivement critiqué par l'opposition.

Gilbert Reilhac, édité par Thierry Lévêque