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Le spectre de Kalinka vient hanter le procès Krombach

Le spectre de Kalinka vient hanter le procès Krombach

Le spectre de Kalinka vient hanter le procès Krombach - -

PARIS (Reuters) - La mort suspecte en 1982 en Allemagne d'une adolescente française, Kalinka Bamberski, a été évoquée vendredi pour la première fois dans le procès public de l'affaire à Paris.

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - La mort suspecte en 1982 en Allemagne d'une adolescente française, Kalinka Bamberski, a été évoquée vendredi pour la première fois dans le procès public de l'affaire à Paris.

Un cardiologue allemand de 75 ans, Dieter Krombach, est jugé depuis mardi, accusé du meurtre. Il a été enlevé en 2009 en Bavière et livré pieds et poings liés à la justice française à l'initiative du père de la jeune fille, André Bamberski.

Hilmar Jobst, l'urgentiste allemand qui fut appelé le 10 juillet 1982 par Dieter Krombach pour constater le décès de la jeune fille, a raconté 29 ans après ce qu'il avait vu, à la barre de la cour d'assises de Paris.

A son arrivée en milieu de matinée, Kalinka gisait dans son lit, sous une couverture, couchée sur le dos, les jambes allongées. Dieter Krombach lui avait paru nerveux, a-t-il dit. Il n'y avait aucune trace de violence, mais rien ne pouvait expliquer le décès soudain, a raconté le médecin allemand.

"M. Krombach a expliqué que la jeune fille était allée se baigner la veille et avait pris beaucoup de soleil", a-t-il déclaré. L'urgentiste a remarqué que Kalinka avait reçu une injection au bras.

Hilmar Jobst se semble pas avoir davantage posé de questions, mais il a rédigé un certificat de décès avec la mention "mort inexpliquée", qu'il a remis à Krombach, raconte-t-il. Le document est aujourd'hui dans le dossier.

En sortant de la maison, l'urgentiste, âgé alors d'une trentaine d'années, a demandé au cardiologue s'il devait prévenir la police ou si Dieter Krombach voulait le faire lui-même. Dieter Krombach a déclaré qu'il allait s'en charger.

PIQURE DE FER ET DE COBALT

"A ce moment-là, à Lindau, M. Krombach était un médecin connu qui avait très bonne réputation. C'est pour cette raison que je voulais lui laisser le soin de prévenir la police", a expliqué Hilmar Jobst.

Il n'y a donc eu aucune constatation de police, et le corps de Kalinka est parti non pas à la morgue ou à l'institut médico-légal mais à l'hôpital de cette localité de 5.000 habitants.

On sait aujourd'hui, parce qu'André Bamberski a fait exhumer des années plus tard le corps de sa fille en France, que lors de l'autopsie allemande le corps avait été mutilé avec ablation des organes génitaux. Ils n'ont jamais été conservés. Les analyses toxicologiques ont par ailleurs été quasi inexistantes.

A la barre, Dieter Krombach a expliqué qu'il avait injecté à Kalinka la veille de sa mort une solution de fer et de cobalt, un médicament appelé Kobalt Ferrcelit. "Elle était fatiguée à l'école", a expliqué l'accusé.

Elle était carencée en fer, a-t-il dit, évoquant des analyses sanguines qui n'ont jamais été retrouvées. A l'époque des faits, il avait expliqué que le Kobalt Ferrcelit devait aider Kalinka à bronzer et qu'il lui avait aussi donné un somnifère pour l'aider à s'endormir, avant qu'elle ne succombe de manière inexplicable dans la nuit.

La cour a entendu un autre médecin allemand, Peter Schonhofer, qui a jugé cette version des faits mensongère. Après une plainte d'André Bamberski auprès de la justice allemande, il a été chargé en 1985 d'une expertise post-mortem, réalisée sur dossier et à partir de ce qui demeurait des prélèvements.

"Je ne peux trouver aucune raison médicale pour (l'injection de Kobalt Ferrcelit)", a-t-il dit. Ce produit a d'ailleurs été interdit en 1989, a-t-il précisé.

Il pense que Kalinka est morte par suffocation, non dans la nuit mais la veille juste après la piqûre, qui aurait provoqué selon lui une régurgitation de son repas, alors qu'elle était endormie par le somnifère.

Dieter Krombach s'est levé pour le contredire. "Des piqûres de fer, moi-même j'en ai eu des centaines. J'en faisais aussi à Mme Gonnin", a-t-il dit, montrant d'un signe de la tête la mère de Kalinka, qui est sur le banc des parties civiles.

Lundi, Danielle Gonnin évoquera devant la cour le souvenir de sa fille, qu'elle avait fait venir en 1981 chez Dieter Krombach après avoir quitté André Bamberski en 1976.

Édité par Patrick Vignal