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Police-Justice

Le procureur Courroye, pivot contesté de l'affaire Bettencourt

Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, joue un rôle-clé dans l'affaire concernant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, mais sa proximité avec Nicolas Sarkozy l'expose aux critiques. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, joue un rôle-clé dans l'affaire concernant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, mais sa proximité avec Nicolas Sarkozy l'expose aux critiques. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau - -

Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, joue un rôle-clé dans l'affaire concernant l'héritière de...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, joue un rôle-clé dans l'affaire concernant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, mais sa proximité avec Nicolas Sarkozy l'expose aux critiques.

Ce magistrat de 51 ans fut le symbole de l'indépendance de la magistrature dans les années 1990, lorsqu'à Lyon il mit fin à la carrière du maire RPR de la ville Michel Noir, puis à celle du maire RPR de Grenoble Alain Carignon, qu'il a fait condamner dans des affaires de corruption.

Au début des années 2000 à Paris, il a mené à bien une enquête retentissante sur des ventes d'armes à l'Angola qui a abouti en 2009 à la condamnation du fils aîné de l'ancien président François Mitterrand, Jean-Christophe, et de l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua.

Sa nomination, contre l'avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature, en mars 2007 au poste de procureur à Nanterre (Hauts-de-Seine), ex-fief de son ami Nicolas Sarkozy, a marqué un tournant car ses décisions ont suscité la polémique.

L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) lui a demandé publiquement mercredi de se dessaisir au profit d'un juge d'instruction indépendant.

Jeudi, l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI) a pris la même position, en estimant qu'il n'était pas possible à Philippe Courroye de conduire une enquête impartiale.

"C'est quand même fondamental que dans des affaires où des gens qui sont au pouvoir sont en cause, on ne laisse pas opérer ceux qui sont en position de subordination. Personne n'aura confiance en cette enquête", a dit à Reuters Marc Trévidic, président de l'AFMI.

LIEN STATUTAIRE AVEC LE POUVOIR

Par son statut, au contraire du juge d'instruction, le procureur doit rendre des comptes à sa hiérarchie, le procureur général de Versailles et donc au ministère de la Justice.

Le pouvoir politique est donc informé de son enquête.

Il apparaît sur les enregistrements clandestins de Liliane Bettencourt que son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre savait dès juillet 2009, par le conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart, que la plainte de la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Meyers, serait classée sans suite.

Philippe Courroye avait fait mener en 2007 par la police une enquête approfondie sur "l'abus de faiblesse" de Liliane Bettencourt imputé au photographe François-Marie Banier, découvrant des "dons" d'un milliard d'euros de la milliardaire.

Il a finalement renoncé à poursuivre pour un motif technique, la plainte de Françoise Meyers étant qualifiée d'irrecevable juridiquement.

On sait par les enregistrements de Liliane Bettencourt que la milliardaire a rencontré Nicolas Sarkozy en 2008, ainsi qu'Eric Woerth, actuel ministre du Travail et trésorier de la campagne présidentielle de 2007 et de l'UMP.

Patrice de Maistre disait être en contact régulier avec le conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart.

Après la divulgation des enregistrements, Phlippe Courroye a ouvert deux enquêtes préliminaires sous son contrôle, une sur les conditions de ces enregistrements, au cours de laquelle ont été entendus les employés de Liliane Bettencourt impliqués, et une sur les allégations contre Eric Woerth.

Il n'a pas souhaité pour l'instant ouvrir une procédure sur la fraude fiscale révélée par les enregistrements.

Antoine Gillot, avocat de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt et accusatrice d'Eric Woerth, Claire Thibout, a jugé "scandaleuse" l'audition en pleine nuit de sa cliente, simple témoin, juste après une plainte d'Eric Woerth pour "dénonciation calomnieuse", et son transfert immédiat à Paris.

La tension entre Philippe Courroye et les magistrats du siège à Nanterre, en particulier la présidente de chambre correctionnelle Isabelle Prévost-Desprez, son ancienne collègue à l'instruction à Paris, est encore montée d'un cran avec l'affaire Bettencourt.

Isabelle Prévost-Desprez a tenté de se saisir des enregistrements en ordonnant un complément d'enquête dans le volet visant François-Marie Banier le 1er juillet. Philippe Courroye a aussitôt fait appel, suspendant la décision.

Édité par Yves Clarisse