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Police-Justice

Le procès du reporter militant Taha Bouhafs pour outrage et rébellion renvoyé en juillet

Le reporter militant Taha Bouhafs, en février 2020.

Le reporter militant Taha Bouhafs, en février 2020. - JOEL SAGET / AFP

Taha Bouhafs devait comparaître à Créteil pour “outrage et rébellion sur personne dépositaire de l’autorité publique”, lors d'une interpellation à Alfortville, en juin. Un rassemblement de soutien était organisé devant le tribunal ce mardi matin.

Taha Bouhafs, qui se présente comme un “journaliste des luttes”, devait comparaître ce mardi matin devant le tribunal correctionnel de Créteil (Val-de-Marne) pour “outrage et rébellion sur personne dépositaire de l’autorité publique”. Le reporter militant de 22 ans avait été interpellé à Alfortville, le 11 juin 2019, lors d’un rassemblement en soutien à des travailleurs en situation irrégulière. Il encourt deux ans d’emprisonnement. Lui réclame la relaxe et a appelé à un rassemblement devant le tribunal pour soutenir sa cause. Son procès a finalement été renvoyé au 3 juillet.

Rassemblement pacifique

Ce jour de juin, à l’initiative de plusieurs organisations syndicales (Fédération Sud PTT, Union syndicale Solidaire 94, CNT-SO et CNT), un “rassemblement pacifique” se tient devant le centre Chronopost d’Alfortville pour exiger la régularisation d’une “trentaine de travailleurs sans-papiers”, indique alors le communiqué. Taha Bouhafs, salarié du site Là-bas si j’y suis, se rend sur place. 

“Quand je suis allé couvrir ce piquet de grève, j’étais le seul journaliste, tient-il à rappeler sur Twitter. Les seules infos que nous avions sur cette grève circulaient au compte-gouttes dans de sombres boucles militantes.” 

Depuis plus d’un an, ce jeune natif d'Algérie qui a grandi à Echirolles (Isère), se fait connaître par ses reportages lors de mouvements sociaux franciliens, des manifestations des gilets jaunes, au défilé du 1er mai, lors duquel il filme, place de la Contrescarpe, Alexandre Benalla en train de molester un manifestant. Il a également été candidat de la France insoumise aux législatives de 2017. Depuis, Taha Bouhafs a de nouveau fait parler de lui, lorsqu'il a été interpellé au théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, où se trouvaient Emmanuel Macron et son épouse.

"Tu n'es qu'une racaille de flic"

Sur place, à Alfortville, un “déploiement de vigiles conséquent” fait face à la mobilisation, rapporte un représentant syndical au Parisien, accompagné de “chiens qui font régner une ambiance menaçante”. À la mi-journée, les forces de l’ordre sont appelées en renfort, après une tentative d’installation de tentes devant les locaux.

Tandis que Taha Bouhafs filme le rassemblement, un policier en civil lui demande de reculer, puis le pousse au sol "au seul motif qu'il filmait", précise auprès de BFMTV.com son avocat, Me Arié Alimi. Le fonctionnaire assure avoir été insulté par le journaliste: "Tu n'es qu'une racaille de flic", aurait-il prononcé. Le journaliste conteste, lui, fermement avoir tenu ces propos.

Après avoir été violemment plaqué au sol, il est interpellé puis placé en garde à vue. Blessé à l’épaule lors de son arrestation, Taha Bouhafs se voit prescrire une incapacité temporaire de travail (ITT) de 10 jours et porte plainte pour “violences par une personne dépositaire de l’autorité publique.” L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a depuis été saisie et une enquête est en cours.

"Je n'ai jamais vu ça en 17 ans de métier"

Son téléphone portable a également été confisqué. Huit mois plus tard, il est encore sous scellé, malgré une décision de justice de le restituer datant de novembre. Le greffe a refusé d'appliquer cette décision, ce qui révolte Me Arié Alimi: "Je n'ai jamais vu ça en 17 ans de métier." Il a depuis déposé plainte. La situation est également dénoncée par Amnesty International, car l'appareil contient des images de son interpellation:

“La non-restitution de son téléphone portable à ce jour est non seulement une atteinte à la liberté de la presse, mais menace désormais son droit à un procès équitable.”

Les 26 travailleurs sans-papiers d’Alfortville ont, eux, depuis obtenu leur régularisation. Une réussite pour Taha Bouhafs, qui dépassera, quoi qu’il arrive, ce qui se joue au tribunal de Créteil ce mardi: 

“À côté de ça, l’issue de mon procès est assez secondaire. J’ai accompli ma tâche: informer. Mieux, j’ai joué un rôle dans cette victoire contre l’injustice”, s’est-il félicité sur Twitter.

Note de la rédaction: Contrairement à ce que nous avions écrit initialement, Taha Bouhafs n’est pas entré de force au théâtre des Bouffes du Nord en janvier 2019. Il avait acheté sa place après avoir été informé que le président de la République serait sur place, comme il l’expliquait à CheckNews.

Esther Paolini