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Police-Justice

Le procès d'Yvan Colonna se déplace à Ajaccio

Yvan Colonna.

Yvan Colonna. - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - La cour d'assises de Paris se déplace ce lundi à Ajaccio pour une audience dans la rue où fut tué par balles...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - La cour d'assises de Paris se déplace ce lundi à Ajaccio pour une audience dans la rue où fut tué par balles le préfet de Corse Claude Erignac, le 6 février 1998, dans une affaire qui hante depuis lors l'île et le pays.

Yvan Colonna, jugé pour la troisième fois pour ce crime, va quitter sa prison pour l'île mais sera témoin passif des débats, puisqu'il dit qu'il n'était pas là ce soir-là. L'accusation le voit au contraire comme celui qui tira trois balles dans la tête du représentant de l'Etat.

Des milliers de policiers seront mobilisés pour sécuriser la rue Colonna-d'Ornano, où un commando de nationalistes dissidents voulant "refonder la cause" avait mis à mort à la tombée du jour le haut fonctionnaire, et déclenché du même coup un séisme judiciaire et politique.

Après une traque policière d'un an et demi marquée par des rivalités entre juges et entre policiers, et après quatre autres procès depuis 2003 dont deux pour Yvan Colonna, chaque fois condamné à perpétuité, la défense entend remettre en cause des éléments que l'accusation voit comme acquis.

Les avocats d'Yvan Colonna, qui avaient demandé ce transport, espèrent convaincre la cour de son innocence grâce à la présence de deux experts en balistique, d'un médecin légiste, ainsi que de Pierre Alessandri, condamné à perpétuité.

Cet homme, ami d'enfance d'Yvan Colonna au village de Cargèse, fut parmi les quatre acteurs du crime qui l'ont initialement accusé avant de se rétracter. Pierre Alessandri assure depuis 2004 être le véritable auteur des coups de feu.

Les témoins oculaires et les autres personnes déjà condamnées pour l'assassinat ne seront pas présents. La cour ne l'a pas jugé utile pour les premiers, les seconds refusent de participer.

REMISE EN SITUATION

Ce déplacement, d'un coût de plusieurs centaines de milliers d'euros, sera donc davantage une simple remise en situation avec la cour et les avocats qu'une reconstitution. La procédure s'approchera donc du "transport" déjà mené en 2007, au premier procès Colonna.

En 2009, en appel, le refus de la cour de procéder à une reconstitution plus approfondie avait amené l'accusé et ses avocats à quitter l'audience qu'ils jugeaient biaisée. La Cour de cassation l'a annulée, provoquant ce troisième procès.

Devant la cour début mai, les experts balistiques ont recommencé un débat technique sur la taille du tireur censée se déduire de l'analyse balistique des tirs, mais cette discussion est jugée vaine par l'accusation.

La rue Colonna est en pente et des témoins oculaires ont dit que le préfet était plié en deux quand le tueur a fait feu sur lui, ce qui rend contestable toute conclusion technique.

La défense entend par ailleurs mettre à profit les discordances entre ces témoins oculaires, certains ayant vu deux tueurs près du préfet et d'autres trois. La version jusqu'ici retenue par la justice est que trois hommes, dont Yvan Colonna, ont approché le préfet pour le tuer.

Là encore, l'accusation conteste tout problème, puisque le troisième homme que certains témoins ne voient pas était selon elle hors de vue, en faction en bas de la rue. Il a d'ailleurs été vu par un autre témoin après le crime, qui décrit un trio fuyant en courant, souligne le parquet général.

Après ce transport, le procès pourrait donc revenir sur son point focal, les dépositions initiales des hommes ayant participé au crime rue Colonna ou ailleurs.

Quatre d'entre eux, dont Pierre Alessandri, ont désigné Yvan Colonna en 1999 comme l'auteur des coups de feu, avant de se rétracter de manière tardive et contestée. Pierre Alessandri est dans la version initiale l'homme en faction en bas de la rue.

Comme celle de ses amis, sa rétractation paraît d'autant moins crédible à l'accusation qu'est apparue au dossier la semaine dernière une lettre où Yvan Colonna le menaçait de "guerre" s'il ne déposait pas en sa faveur.

La défense a d'abord admis qu'Yvan Colonna était bien l'auteur de cette lettre avant de faire volte-face et de parler d'un "faux" fabriqué selon elle par la police.

Le procès doit se terminer mi-juin.

Edité par Patrick Vignal