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Le pédocriminel "le plus prolixe": l'"écœurement" des enquêteurs au procès de Jean-Christophe Quenot

Jean-Christophe Quenot est jugé par la cour criminelle départementale de Paris, qui siège au Palais de justice de Paris sur l'île de la Cité.

Jean-Christophe Quenot est jugé par la cour criminelle départementale de Paris, qui siège au Palais de justice de Paris sur l'île de la Cité. - AFP

Ce Français de 55 ans, expatrié depuis 1990 en Asie, est jugé à Paris pour des viols et des agressions sexuelles sur 25 jeunes garçons âgés de 10 à 17 ans en Malaisie. Il a documenté et filmé l'intégralité de ses crimes.

Frénétiquement, Jean-Christophe Quenot prend des notes sur des feuilles volantes. Vouté dans le box des accusés de la cour criminelle départementale de Paris, l'homme de 55 ans couche sur papier l'intégralité des débats qui portent pourtant sur les faits qui lui sont reprochés. Une habitude chez cet homme qui a méticuleusement consigné dans des agendas et sur des vidéos pendant des années les abus sexuels qu'il a commis sur des enfants et des adolescents en Asie.

Jean-Christophe Quenot, cheveux bruns coiffés en arrière, lunettes fines, moulé dans son sweat marron, est jugé depuis ce vendredi pour six viols ou 19 agressions sexuels sur 25 garçons malaisiens âgés de 10 à 17 ans entre janvier 2014 et octobre 2017. Il comparait pour ces seuls faits alors qu'il est soupçonné d'avoir abusé de dizaines d'enfants au gré de ces voyages en Thaïlande, Sri Lanka, Philippines, Inde, Indonésie, et ce depuis son installation en Malaisie en 1990.

Un parcours et une personnalité qui a de quoi marquer Véronique Béchu, cheffe du groupe central des victimes mineurs de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP, devenu l'Office mineurs).

"M. Quenot est le consommateur de relations sexuelles avec les mineurs le plus prolixe que mon unité n'a jamais vu", tranche-t-elle, abasourdie.

Une vie tournée vers les abus

C'est ce service qui est en charge d'enquêter en France sur les agissements de Jean-Christophe Quenot. En février 2019, Paris est destinataire d'une note des autorités thaïlandaises alertant sur l'interpellation de cet expatrié âgé de 51 ans à l'époque, professeur de français à Singapour et installé en Malaisie.

Il a été arrêté dans un hôtel à Bangkok alors qu'il se trouvait dans sa chambre d'hôtel, nu allongé sur le lit, avec deux jeunes garçons âgés de 14 ans. Le "deuxième groupe" de victimes pour cette soirée. D'autres rendez-vous avaient été pris avec d'autres mineurs s'il n'avait pas été arrêté.

"M. Quenot organisait ses week-ends, ses vacances autour de ces abus, il quittait le travail le vendredi à 16 heures, prenait le bus ou l'avion, selon les destinations, puis arrivait à 20 heures à son hôtel où un rendez-vous était déjà organisé", détaille l'enquêtrice.

Une bonne partie des 5.500 euros qu'il touchait par mois pour son emploi de professeur lui permettait de payer un premier groupe de victimes de deux, quatre jusqu'à six enfants, puis un deuxième jusqu'à deux heures du matin. Des victimes contactées via Facebook. "Quand il n'était pas rassasié, il retournait au stade, prenant le risque de se faire agresser" pour trouver d'autres garçons, des enfants des rues, pour avoir de nouveaux rapports sexuels.

"Il avait ses petits préférés qu'on voyait grandir au fil des vidéos, il les utilisait ensuite comme rabatteur", détaille Véronique Béchu. Quand son groupe met la main sur Jean-Christophe Quenot le 30 mars 2019 à Besançon (Doubs), qui a fui la Thaïlande après avoir payé une caution puis pour récupérer son passeport, les policiers sont loin de penser qu'ils allaient découvrir un dossier "sans commune mesure avec ce qu'on avait connu auparavant".

"Des vidéos écœurantes" pour des enquêteurs chevronnés

Lors de son interpellation, les enquêteurs découvrent une clé USB contenant des fichiers pédopornographiques, mais surtout une preuve de dépôt pour l'envoi d'un conteneur par La Poste malaisienne chez sa mère.

Le colis a été récupéré par la police française. Il est chiffré, le gardé à vue leur fournira la clé. À l'intérieur, les policiers découvrent des disques durs, des cassettes VHS et une série d'agendas. "La collection personnelle" de Jean-Christophe Quenot consigne tous ces rapports sexuels avec des mineurs, depuis son premier rapport pédophile datant de 1994. Un travail d'analyse croisé est mené entre les images et les écrits.

Dans ses carnets, Jean-Christophe Quenot détaille tout de sa vie mais aussi de ses abus. Des surnoms sont donnés à chacune de ses victimes, toutes pratiques sexuelles qu'il impose, de la fellation aux actes urophiles sont consignées.

Comment sont identifiés les pédocriminels sur internet ?
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Concernant les vidéos, il a fallu aux policiers de l'OCRVP 5.000 heures de visionnage, uniquement pour les faits commis en Malaisie sur trois années. On y voit "beaucoup d'enfants prépubères" avoir des "haut-le-coeur, aller vomir, avoir des expressions de dégoût" tandis que Jean-Christophe Quenot les "invective", commet des "violences quand ces enfants ne montrent pas assez d'entrain", détaille l'enquêtrice.

Il commet aussi ses sévices, après avoir consommé un générique du Viagra, sur des enfants endormis, épuisés par les rapports sexuels imposés. La plupart de victimes prennent, elles, de la colle.

"C'est un travail qu'on fait tous les jours, mais ces vidéos étaient particulièrement écœurantes, en raison de la masse", explique la directrice d'enquête.

"Longévité criminelle"

Les images sont visionnées pour retrouver le moindre détail permettant d'identifier les victimes. "On parle d'enfants, parfois âgés de 10 ans, sur lesquels on pratique une fellation, une sodomie, c'était particulièrement impactant pour les collègues. Certains ont été obligés de s'arrêter 15 jours, trois semaines pour 's'aérer', sachant que c'était pour s'occuper d'autres dossiers pédocriminels", souffle Véronique Béchu, la voix emplie d'émotion.

"Une telle production de vidéos, c'est du jamais-vu, il avait su monter un système lui permettant de ne pas être pris", poursuit-elle, répondant aux questions des parties civiles dont Me Céline Astolfe qui représente la Fondation pour l'enfance.

Si Jean-Christophe Quenot a téléchargé des contenus pédopornographiques, il n'a jamais partagé ses vidéos personnelles, tournées avec du matériel de professionnel. Ce qui explique pour les enquêteurs sa "longévité criminelle". "Il savait où aller, ce qu'il fallait faire ou ne pas faire pour rester sous les radars", note Véronique Béchu, consciente de la tâche colossale qui reste encore à accomplir mais avant de visionner l'intégralité des quelque 100.000 vidéos filmées par l'accusé depuis 2008 et jusqu'à son arrestation.

Une trentaine de victimes a déjà été recensée en Thaïlande, d'autres devraient l'être au Sri Lanka, aux Philippines ou en Indonésie. Jean-Christophe Quenot a dit à l'ouverture de son procès vouloir "présenter (ses) excuses" à ces jeunes garçons. "On ne peut pas revenir en arrière, mais aujourd'hui je suis conscient que je suis malade", dit-il d'une voix ferme. Veut-il toujours se servir de sa "collection" pour écrire ses "mémoires" comme il l'a suggéré lors de sa garde à vue pour expliquer cette frénésie de contenus écrits et filmés? Non, assure-t-il, avant de s'asseoir et de consigner ce qui se joue dans la salle d'audience.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV