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Police-Justice

De la Tunisie à la Syrie, le récit du parcours jihadiste du Français Tyler Vilus aux assises

Arrêté en juillet 2015 à son retour de Syrie, Tyler Vilus est jugé depuis ce jeudi pour "appartenance à une entreprise terroriste" et "meurtre aggravé". Au premier jour de son procès, il a raconté son périple jihadiste.

Dès l'ouverture de son procès, le jihadiste français Tyler Vilus a livré jeudi un long récit "spontané" de son séjour en Syrie, sans jamais renier son "engagement auprès de Daesh" mais en minimisant son rôle, dans le "désordre" de la guerre.

C'est pour son appartenance à une entreprise terroriste, pour avoir dirigé un groupe de combattants étrangers et pour "meurtre", pour sa présence au côté des bourreaux sur une scène d'exécution publique à Shaddadi en 2015, qu'il est jugé. Son procès s'est ouvert jeudi à Paris, pour des crimes commis en Syrie entre 2013 et 2015. Le verdict aura lieu le 3 juillet.

D'emblée, il cherche à déminer le terrain, en écartant fermement tout lien avec les auteurs des attentats du 13 novembre 2015: s'il a reconnu avoir été en contact avec Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des tueries du Bataclan et des terrasses parisiennes, il a toujours nié tout projet d'attaque en France. Il n'est d'ailleurs pas poursuivi pour cela.

La Tunisie, le début de l'engagement

Fines tresses courtes, muscles moulés par un polo noir, Tyler Vilus est très calme, volubile. Il raconte son épopée syrienne comme d'autres un voyage: il déborde de détails sur le sort d'amis ou d'un enfant brûlé. Il glisse sur les coins sombres du dossier et rectifie au passage certaines "allégations de la DGSI", les renseignements français.

"Mon engagement a commencé lorsque je suis arrivée en Tunisie"

Au cours de l'été 2011, le jeune converti fréquente la nébuleuse salafiste qui émerge dans ce pays des printemps arabes. Il reconnaît s'être retrouvé parmi les manifestants devant l'ambassade américaine, mais ne dit pas un mot de son saccage en septembre 2012.

Il quitte fin 2012 la Tunisie pour la Syrie, puisque cela s'inscrit logiquement dans son parcours: "90% des hommes qui fréquentaient" sa mosquée à Tunis, "sont partis en Syrie".

"Plus je m'éloignais de la frontière turque, plus je m'enfonçais dans mes convictions et le jihad, jusqu'à l'arrivée à la frontière" syro-irakienne, a lancé l'accusé de 30 ans.

Combattre Bachar-Al-Assad

Il affirme avoir rejoint une katiba (brigade) dans une ferme où il alterne entraînements et cours d'arabe.

"J'allais là-bas pour combattre Bachar Al-Assad, je n'ai jamais dit que j'allais faire de l'humanitaire".

Sa katiba, qui "a fait allégeance au Front Al-Nosra", est dans "la région d'Alep". Il décrit les scissions entre factions jihadistes, encore loin de l'unité territoriale qu'imposera après 2014 l'hégémonie de Daesh.

Accusé d'avoir traqué les contrevenants à la loi du "califat", jusqu'à superviser des exécutions, il nie toute politisation de son action.

"Il n'y avait pas de police politique capable d'imposer une contrainte. J'ai toujours fait partie de la police militaire, pas politique"

Il va aussi fermement réfuter son appartenance à la brigade "Al-Muhajireen" (des "immigrés"), un escadron responsable de tortures et d'exécutions sommaires, dont sont membres Abaoud et de futurs kamikazes du Bataclan.

"Quand on parle des muhajiroun, on parle des étrangers, pas de la katiba", s'agace-t-il. Quant à la brigade des "immigrés", elle était "essentiellement composée d'Arabes, des Saoudiens". Français et Belges "n'étaient pas du tout majoritaires".

"Tout ça c'est fantasmé"

Après Alep, il gagne Shaddadi où il fait ce qu'il "sait faire": "Je m'occupe des combattants, je constate les faits et je transmets à un juge: c'est lui qui fait appliquer la sanction".

"On me voit sur la vidéo de l'exécution" de deux soldats, finit-il par dire, abordant le crime qui peut lui valoir la prison à vie.

Il évoque ici une vidéo diffusé en 2015 dans laquelle il apparaît, diffusée par le bureau médiatique de Daesh: deux prisonniers, l'un appartenant à l'Armée syrienne libre et l'autre aux troupes de Bachar Al-Assad, agenouillés et yeux bandés, sont exécutés d'une balle dans la tête. Visage découvert, Tyler Vilus se tient debout, à deux mètres des bourreaux. L'accusation le désigne comme un superviseur, en sa qualité d'"émir" et de membre de la police.

Il affirme par la suite qu'il était là comme tout le monde, au sortir de la mosquée, sur l'artère principale, où on exécute en public "pour maintenir la pression sur la population", "tout ça c'est fantasmé".

"A ce moment-là", dit-il, "je veux rester dans le jihad mais quitter la Syrie".

Il répète qu'il prétextera de projeter une action en Europe pour partir, la "seule solution" pour épargner des ennuis à ses deux épouses, restées sur place.

La montée en puissance de Tyler Vilus au sein de Daesh prend donc fin le 2 juillet 2015, quand il est arrêté à l'aéroport d'Istanbul, quittant la Syrie, muni d'un passeport suédois, puis expulsé vers la France.

R.B. avec AFP