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Police-Justice

Le drame de Clichy pèse toujours sur les banlieues françaises

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par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le drame de la mort de deux adolescents en 2005 près de Paris, qui déclencha trois semaines de violences sans...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le drame de la mort de deux adolescents en 2005 près de Paris, qui déclencha trois semaines de violences sans précédent dans les banlieues françaises, continue de peser sur ce dossier explosif en France.

Symbole aux yeux de leurs familles d'une considération toujours refusée, le parquet a fait appel lundi du renvoi en correctionnelle de deux policiers mis en examen pour "non-assistance à personnes en danger" pour la mort accidentelle dans un transformateur électrique de Zyed Benna et Bouna Traoré.

"Cet appel manifeste une fois de plus, s'il en était encore besoin, la volonté d'étouffer cette affaire en privant les familles et le pays d'un débat public et de la vérité", ont dit les avocats des familles.

Aux yeux de Me Jean-Pierre Mignard, avocat des parents de Zyed et Bouna, l'Etat et le ministère public persistent symboliquement dans ce qui déclencha les violences de 2005: le refus d'envisager que la police puisse avoir tort dans ses démêlés avec les habitants des banlieues défavorisées.

Une enquête menée par deux juges d'instruction a conclu que Zyed et Bouna n'avaient commis aucun délit le 27 octobre 2005 quand ils ont été pris en chasse par des policiers et se sont réfugiés dans un transformateur électrique.

Pourtant, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait repris dès le jour des faits la version de la police, excluant toute faute de sa part et déclarant, à tort, que les jeunes gens n'étaient pas poursuivis.

CLICHY, LIEU SYMBOLE ?

Ces déclarations, ainsi que l'absence d'enquête judiciaire initiale, ont précédé les violences qui se sont étendues dans toute la France jusqu'au 17 novembre 2005, se soldant par 300 bâtiments et 10.000 véhicules incendiés, ainsi que 130 policiers et émeutiers blessés.

A Clichy, où doit se dérouler mercredi une marche en hommage à Zyed et Bouna, le maire socialiste Claude Dilain s'inquiète.

"C'est beaucoup trop long et s'il y a un non-lieu, on ne saura jamais", a-t-il dit mardi sur France Inter.

Selon lui, "comme beaucoup de banlieues françaises, Clichy est un peu au milieu du gué".

Après trente ans de revendications, un commissariat va enfin y ouvrir ses portes et des travaux d'équipement et de rénovation sont engagés dans plusieurs endroits.

Mais pas à la cité du Chêne Pointu, où commencèrent les violences de 2005, et où l'insalubrité est telle que le maire parle de "bidonville vertical".

Dans les autres banlieues, des incidents similaires à ceux de 2005 surviennent régulièrement, comme à Villiers-le-Bel en novembre 2007, après la mort accidentelle de deux jeunes dont la mini-moto avait été percutée par une voiture de police.

Là aussi, une cour d'appel a relancé en avril l'enquête après un non-lieu rendu sur avis du parquet et un policier vient d'être mis en examen.

La violence s'exprime ordinairement en banlieue. Il y a eu officiellement 1.137 voitures brûlées la nuit du 1er janvier 2010 et 392 arrestations le 14 juillet.

ÉCHEC DU PLAN "ESPOIR BANLIEUES"

En mai dernier, 44 maires de banlieues de droite comme de gauche ont appelé le gouvernement à agir, estimant que leurs populations nourrissaient "un sentiment d'abandon".

Dans une "lettre à ceux qui ignorent les banlieues", ils interrogeaient l'exécutif: "Faudra-t-il de nouvelles émeutes pour que les pouvoirs publics s'intéressent à nos villes et à ceux qui y vivent ?".

Pour les signataires, il ne s'agit pas seulement de problèmes de délinquance ou de trafics "qui seuls parviennent à capter l'attention des médias" mais d'enclavement, de chômage, d'échec scolaire, de mal-logement, et d'une pénurie des services publics.

Le "plan Marshall" pour les banlieues promis par le candidat Nicolas Sarkozy en 2007 n'a pas été mis en oeuvre, estimaient-ils en évoquant le taux de chômage massif qui sévit dans les banlieues.

La secrétaire d'Etat à la Politique de la Ville, Fadela Amara, pourrait d'ailleurs quitter le gouvernement à l'occasion du remaniement attendu en novembre, estime-t-on de source parlementaire.

Le Premier ministre, François Fillon, a implicitement reconnu cet échec en mai dernier en annonçant qu'un projet de loi viserait en 2011 à rééquilibrer les aides entre quartiers pauvres et moins pauvres.

Les élus des banlieues disent voir dans les forts taux d'abstention aux récentes élections régionales, atteignant parfois les 70%, un nouveau signal d'alarme.

"Les gens clament leur colère de manière encore plus inquiétante qu'en brûlant des voitures", dit Claude Dilain.

Édité par Yves Clarisse