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Police-Justice

Le délicat décompte des gilets jaunes?

Image d'illustration.

Image d'illustration. - Xavier Leoty - AFP

Depuis le début du mouvement, le nombre de gilets jaunes mobilisés sur le terrain est donné chaque jour par le ministère de l'Intérieur, se basant sur les remontées faites par les préfectures. Des données difficiles à vérifier. A l'inverse des manifestations syndicales, les organisateurs ne tiennent pas le décompte des participants.

"Selon la police, selon les syndicats". La formule est connue, énoncée à chaque manifestation. Car à chaque mouvement, après la bataille des idées, c'est celle des chiffres qui prend le relais. Preuve que cette mobilisation des gilets jaunes est inédite, "la guerre des chiffres" n'a pas lieu depuis le début de la protestation. Pour cause, aux décomptes avancés par le ministère de l'Intérieur chaque jour depuis trois semaines, aucun autre comptage n'est communiqué publiquement pour contrebalancer ces données, notamment dans les médias.

Samedi 17 novembre, premier jour de la mobilisation des gilets jaunes, les équipes du ministère de l'Intérieur ont donné le chiffre, largement repris, d'environ 283.000 manifestants. Une semaine plus tard, le 24 novembre, ils étaient environ 106.000 sur l'ensemble du territoire, dont 8.000 à Paris. Le dimanche 25 décembre, le chiffre communiqué toujours par place Beauvau était de 27.000 gilets jaunes. Le lendemain, 16.600, le surlendemain, 12.000. La participation manifestation de demain sur les Champs-Elysées sera une nouvelle fois scrutée.

Pas de décompte fait par les gilets jaunes

Ces chiffres, communiqués par le ministère de l'Intérieur, proviennent des remontées réalisées par les préfectures. La difficulté pour les autorités a été de s'adapter à la nouveauté, c'est-à-dire à la forme du mouvement très fragmentée. Dès le début de la mobilisation, une "cellule" spéciale recueillant toutes les données locales, récoltées, sur chaque point de rassemblement, par les policiers, gendarmes ou agents civils sur place. Des comptages réguliers sont réalisés toute la journée, nous assure-t-on, insistant sur le fait que l'accent est mis sur l'identification des points de blocage. 

L'ampleur d'une manifestation est toujours une question sensible. Pour la mobilisation des gilets jaunes, elle devient un casse-tête, notamment pour les médias. Car ce mouvement ne produit aucun décompte. Traditionnellement aux données des autorités, les organisations syndicales, qui sont à l'initiative d'une manifestation, communiquent leurs chiffres de participation. Une pratique facilitée par le type de manifestation qui se fait, la plupart du temps, d'un point à un autre. Comptage par rang, en hauteur, toutes les méthodes sont valables. Le calcul par densité, qui repose sur l'estimation de l’occupation d'une personne par mètre carré, reste le plus critiquable, tant sur l'estimation que sur la durée sur une journée.

Problèmes techniques

Dans le cadre de la mobilisation des gilets jaunes, impossible d'appliquer ces techniques quand les rassemblements sont constitués de quelques manifestants, alors que l'organisation n'est pas unitaire ou centralisée. Et pourtant, en mars dernier, un collectif regroupant la plupart des médias français, et dont fait partie BFMTV, a fait le choix de se doter de son propre système de comptage de manifestants. La mission a été confiée au cabinet d'études et de conseil indépendant Occurrence. Elle a été utilisée notamment pour "la Fête à Macron".

Pour ce faire, le cabinet utilise deux capteurs placés en hauteur dans un immeuble qui tracent une ligne virtuelle sur la rue: chaque manifestant qui franchit cette ligne est ainsi comptabilisé, et les trottoirs sont pris en compte. En parallèle, des "micro-comptages humains" sont effectués: la manifestation est filmée pendant 20 à 30 secondes à différents intervalles et différentes "intensités". Les manifestants sont recomptés humainement sur ces extraits vidéo pour ajuster le décompte fait par les capteurs et déterminer une marge d'erreur. 

Dans le cadre de la mobilisation des gilets jaunes, impossible pour le moment d'utiliser cette technique, du fait de la multi-fragmentation des rassemblements. "On ne peut pas se déployer sur autant de points, c'est comme si vous envoyez un seul huissier sur 3.000 points", rappelle Assaël Adary, président d'Occurrence. L'incertitude de la présence des manifestants, qui mettent en avant leur volonté de spontanéité, est aussi le gros point noir pour ce calcul. Pour exemple, le 24 novembre, la manifestation déclarée devait se dérouler sur le Champs-de-Mars mais a finalement eu lieu sur les Champs-Elysées.

"Techniquement, nous devons avoir le temps de nous positionner au bon endroit, il faut aussi que ça soit un cortège, poursuit Assaël Adary. Si les gilets jaunes décident d'organiser un défilé, nous aurions évidemment aucun problème à faire un décompte."
Justine Chevalier